Le 19 juillet dernier, Adama Traoré fête son 24ème anniversaire. Il se promène à Beaumont-sur-Oise avec son frère, Baguy. Soudain, les gendarmes de Persan interpellent Baguy Traoré, dans le cadre d’une enquête pour « Extorsion de fonds ». Adama, qui n’a pas ses papiers sur lui, prend peur et tente de s’enfuir. Ils le rattrapent, l’interpellent à son tour et le conduisent à la gendarmerie, alors qu’il est étranger à l’affaire. Que s’est-il passé dans le véhicule puis à la gendarmerie ? Les fonctionnaires prétendent qu’il a fait un malaise et qu’ils ont appelé les pompiers. Le frère d’Adama affirme qu’il l’a vu sur le sol de la gendarmerie, frappé à la tête et qu’un gendarme avait du sang sur sa chemise. Il dit aussi qu’il n’a pas vu les pompiers. C’est seulement dans la nuit que les autorités annonceront la mort d’Adama à sa famille. Evidemment un tel événement soulève une immense émotion, notamment dans la population de Beaumont-sur-Oise, où résident la victime et sa famille. Manifestation, voitures brûlées, gaz lacrymogène… Le scénario habituel face aux violences policières. Quant aux plus hautes autorités du pays, habituellement si promptes à manifester leur compassion, elles gardent un silence étrange : ni condoléances à la famille, ni dénonciation d’une violence injuste qui a ôté la vie à un jeune homme, même pas la promesse que toute la lumière sera faite ! Du côté de l’Etat, seul, le défenseur des droits, Jacques Toubon, exige que toute la vérité soit établie dans cette affaire.

Une première expertise, commandée par Yves Jannier, procureur de la République de Pontoise, délivre ses conclusions : Adama serait mort des suites d’un syndrome asphyxique déclenché par une grave infection touchant les poumons, le foie et la trachée et d’une pathologie cardiaque pour laquelle il peut n’y avoir aucun signe avant-coureur. Hawa, la sœur jumelle d’Adama, s’insurge et n’en croit pas un mot : son frère était en excellente santé, ce qui est d’ailleurs confirmé par tous ses proches. Le procureur accepte alors une deuxième expertise. Celle-ci réaffirme le syndrome asphyxique mais dément la maladie cardiaque et la grave infection. Elle estime néanmoins qu’il n’y a pas de traces de violences graves. Pourtant, devant l’Inspection des services, les fonctionnaires responsables de l’arrestation d’Adama ont reconnu être tombés à trois sur lui pour le maîtriser.
Dans ces conditions, l’avocat de la famille a demandé une troisième autopsie. Elle vient d’être refusée par le procureur.
La famille a publié un communiqué disant qu’elle espère que les analyses en cours permettront d’identifier les mécanismes qui ont conduit à cette asphyxie et que l’enquête fera toute la lumière sur cette affaire.
« Il ne faut pas que la mobilisation s’essouffle. C’est important que les gens continuent à réclamer avec nous vérité et justice pour Adama. C’est tombé sur notre quartier, sur notre frère, mais ça aurait pu toucher bien d’autres familles… et ça en a déjà touché plusieurs d’ailleurs ; des familles avec lesquelles nous sommes en contact et dont l’expérience nous a beaucoup aidés. Faut qu’on soit ensemble », précise Assa Troré, autre sœur d’Adama.
La famille a d’autant plus besoin de soutien que, ces derniers jours, plusieurs menaces de mort ont été envoyées à leur domicile. Une plainte a été déposée.
Le traitement de cette affaire par les autorités de notre pays interpelle la conscience collective. Il s’agit de la mort d’un jeune homme. Il était entre les mains des forces de l’ordre. Celles-ci sont censées respecter les droits et assurer la sécurité des citoyens. Il est donc évident que la responsabilité de l’Etat, qui dirige les services de police et de gendarmerie, est totalement engagée. Le silence, l’absence d’empathie, dans un contexte où ministres et Président se précipitent d’une commémoration à l’autre est choquante. Assurer la cohésion sociale, essentielle à la lutte contre les dangers qui nous menacent tous, implique que l’Etat traite tous les citoyens de la même manière. Ce n’est évidemment pas le cas pour Adama Traoré, quel que soit le résultat des expertises en cours et le niveau de responsabilité des gendarmes dans la mort d’Adama.