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Lettre apocryphe d’Emmanuel Macron aux candidats de gauche : Mélenchon, jadot, Hidalgo, Roussel, Poutou, Arthaud

Lettre apocryphe d’Emmanuel Macron aux candidats de gauche : Mélenchon, Jadot, Hidalgo, Roussel, Poutou, Arthaud

Chers ex-candidats,

De tout mon cœur, je vous remercie d’avoir vaillamment permis ma réélection. Ce n’était pas gagné !

Après l’abandon prévisible de Hollande, en 2017, à la suite de ses bévues, certaines qualifiées par vos proches d’impardonnables et d’autres d’ignobles, j’ai pu me faire élire, avec ma nouvelle équipe, en faisant croire que nous étions à la fois de droite, de gauche et écologistes. Nous réalisions ainsi la grande illusion de l’unité transcendant les partis, en excluant, bien sûr les extrêmes, euphémisme bien utile, pour laisser penser que les deux se valent. L’extrême droite permet de donner à nos lois et nos mesures une couleur plus modérée et, en période électorale, elle est indispensable pour convaincre des électrices et des électeurs d’éviter le pire ! Quant à l’extrême gauche, il s’agit de la disqualifier par cet amalgame et, si on rajoute islamo-gauchiste, on fait coup double dans la propagande.

Après avoir tué, éborgné, blessé, matraqué celles et ceux qui manifestaient avec les gilets jaunes, je me suis dit qu’ils ne me pardonneraient jamais. Après toutes les erreurs durant la pandémie de Covid et les cadeaux aux grands labos, j’ai redouté d’avoir perdu ma crédibilité. Le petit jeu de mon gouvernement avec la laïcité, les attaques de mon ministre contre les institutions qui peu ou prou avaient des liens avec l’Islam et, surtout, ma loi contre le séparatisme avaient de quoi dégoûter les vrais défenseurs de la laïcité et une communauté riche de plusieurs millions d’électrices et d’électeurs. Enfin, mon incapacité à tenir les promesses que j’avais faites pour lutter contre le réchauffement climatique, la condamnation de mon gouvernement dans ce domaine par la justice et les récentes alertes du GIEC indiquant que nous étions au bord du gouffre ont semblé m’enlever tout espoir de convaincre les Françaises et les Français. Si on ajoute qu’à la fin de mon mandat les riches sont beaucoup plus riches et les pauvres beaucoup plus pauvres, le solde social ne joue vraiment pas en ma faveur.

En pleine campagne électorale, l’invasion de l’Ukraine par la Russie, mon agitation impuissante, ma chorégraphie lamentable entre Volodymyr et Vladimir m’ont fait craindre une grande lassitude dans le pays.

J’étais résigné, presque persuadé de perdre devant une coalition de toute l’opposition écologique et de gauche prête à mettre en œuvre une alternative minimale pour sortir le pays de l’état inconcevable dans lequel l’a plongé ma politique.

La division du camp de la haine m’a inquiété parce qu’elle permettait à une telle coalition d’accéder au deuxième tour et de rendre possible sa victoire.

Aussi, quand je vous ai vus partir à la conquête de la présidence, chacune et chacun absolument certain d’être le meilleur, le plus légitime, le plus capable de rassembler les voix sur son nom, je ne sais pas pourquoi, mais je me suis senti rassuré. J’ai demandé à mes amis des médias et des instituts de sondage de faire tout ce qui fallait pour conforter et maintenir cette division qui, seule, permettait d’envisager ma réélection. Les résultats du premier tour m’ont démontré à quel point je suis passé à côté de la catastrophe : si Mélenchon avait noué une seule alliance avec l’un ou l’autre d’entre vous, la porte du second tour lui aurait été ouverte ! Et ça, évidemment, vous ne pouviez pas l’ignorer.

Alors, pourquoi m’avez-vous offert un tel cadeau ? J’ai tourné dans ma tête toutes les hypothèses : l’immense vanité de chacun, le grain de folie de chaque groupe en compétition, le tout à l’égo généralisé ? Mais, finalement, je me suis convaincu que vous ne vouliez pas gouverner, que le rôle d’opposant était beaucoup plus confortable pour vous et que, au bout du compte, vous préfériez le statut d’éternel challenger, confiné dans l’art de la critique, plutôt que d’être confronté à l’impérieuse nécessité d’apporter des réponses.

Je vais donc continuer, grâce vous, cette politique qui vous révolte, commencée il y a cinq ans et je vous donne rendez-vous en 2027. Je m’interroge sur la pertinence qu’il y aurait à modifier la Constitution pour me donner la possibilité d’un troisième mandat. Après tout, je serai encore jeune !

Mais, hélas, les choses ne sont pas complètement jouées. Voyant les élections législatives arriver, je vous le demande, Mélenchon, Jadot, Hidalgo, Roussel, Poutou, Arthaud, s’il vous plait, surtout, ne changez pas !

Emmanuel Macron

(Imaginé par Jacques Soncin)

5 bonnes raisons de tout faire pour que l’extrême droite n’accède pas à la présidence de la République

1 – Le Rassemblement national, un parti qui tire ses racines dans les crimes du 20ème siècle

Ce parti est le dernier avatar d’un courant politique qui, sous une forme ou sous une autre, sévit dans notre pays depuis plus de deux siècles et qui n’a provoqué que ruines, crimes et désastres. Depuis quelques années, les dirigeants du Rassemblement national font systématiquement référence au Général de Gaulle pour tenter de justifier leurs insanités. En 2017, j’avais d’ailleurs écrit une mise au point concernant Florian Philippot, alors Vice-Président du FN (https://jacquessoncin.wordpress.com/2015/04/06/philippot-gaulliste-menteur-ou-cretin/). Rappelons qu’en 1940 l’extrême droite, derrière Philippe Pétain, a condamné à mort par contumace et déchu de sa nationalité, le général de Gaulle. Elle a soutenu la politique de trahison nationale et d’alignement sur le régime nazi. Avec sa presse et ses milices elle a poursuivi les résistants et prêté main forte à la Gestapo. A la fin de la guerre d’Algérie, elle a tenté de le tuer à plusieurs reprises sous la houlette de l’OAS. Le lieutenant-colonel Bastien Thiry, organisateur de l’un de ces attentats qui a échoué in extremis, a été jugé, condamné à mort et exécuté par la justice de l’époque. Charles de Gaulle n’est plus là pour leur répondre. Cette référence est donc mensongère, ignoble et indécente.

Le Front national a été créé le 27 octobre 1972. C’est un ancien Waffen SS (Pierre Bousquet) qui en a déposé les statuts à Paris. Cette organisation a immédiatement rassemblé plusieurs mouvements avec les anciens collabos, les terroristes de l’OAS et les nervis de l’extrême droite derrière un tortionnaire durant la guerre d’Algérie, Jean-Marie Le Pen. Cette mouvance extrémiste est complice ou auteur des crimes commis sous sa responsabilité : crimes de la collaboration, crimes de l’OAS, crimes racistes, notamment au cours de la « ratonade oubliée » des années 70. Ces meurtres et agressions ont continué jusqu’au milieu des années 1990 : on se souvient, à Marseille, du meurtre d’Ibrahim Ali tué par des colleurs d’affiches du Front national le 21 février 1995 et, à Paris, de l’assassinat de Brahim Bouarram, jeté dans la Seine par des manifestants du Front national à l’occasion de leur manifestation « Jeanne d’Arc » du 1er mai 1995.

Marine Le Pen n’a pas rompu avec les racines de son mouvement puisque le nouveau nom et le logo qu’elle a choisis pour son parti sont tirés directement d’une organisation collaborationniste, le Rassemblement national de Marcel Déat. Derrière son histoire nauséabonde, ce parti porte toutes les haines, toutes les stigmatisations et donc tous les méfaits qui les accompagnent : négrophobie, islamophobie, antisémitisme, misogynie, homophobie et LGBTphobie. Il traite par le mépris et la haine toutes les différences et accroit les inégalités par le rejet, l’humiliation et l’élimination. Même si Marine le Pen tente d’adoucir son image avec le soutien de médias qui appuient sa stratégie en inventant ce terme grotesque de « dédiabolisation », elle et son parti restent des extrémistes de droite avec tout ce que cela comporte de nationalisme exacerbé, de violence contre toutes les différences et d’intolérance. Ils sont par nature un terrible danger pour la société, surtout s’ils accèdent au pouvoir.

2 – Faire main basse sur les institutions de notre pays

Si elle devient présidente de la république, Madame Le Pen tentera et aura sans doute les moyens de transformer nos institutions en changeant la Constitution afin d’en effacer les aspects universalistes et humanistes qui y sont inscrits, c’est d’ailleurs l’un des thèmes de sa campagne. Elle a déjà annoncé qu’elle supprimerait le droit du sol et qu’elle y affirmerait la « préférence nationale » pour tous les droits. Elle nommera à la tête des institutions des hommes, et des femmes de son parti, de son idéologie, qui vont exacerber les marginalisations, les rancœurs et les haines qui triturent la société. La conséquence en sera des oppositions de plus en plus fortes et, rapidement, la remise en cause généralisée de la paix civile dans notre pays. Contrairement à ses assertions d’aujourd’hui, face aux crises, face aux difficultés internationales, en prétendant s’en prendre à ses seuls boucs émissaires, elle portera atteinte à toutes celles et ceux qui ont une situation fragile et, finalement, elle dégradera les conditions de vie de l’ensemble de la population. Une fois aux manettes des institutions, ces extrémistes, ces fascistes, appliqueront leurs préjugés ignobles et ne voudront plus jamais céder leur place. Dans ces conditions, on ne peut pas exclure que les chasser impliquerait une guerre civile.

3 – Des reculs sociétaux et sociaux dramatiques

Si l’on suit l’idéologie et les haines des principaux idéologues de l’extrême droite, nous aurons des mesures insupportables découlant des stigmatisations dans tous les domaines. Au niveau de l’éducation nationale, l’intrusion de cette idéologie dans le domaine pédagogique, la révision de l’Histoire et de diverses matières à l’aune des élucubrations obscurantistes, religieuses ou pas, vont abaisser le niveau culturel et éducationnel des enfants de notre pays. A cela s’ajoutera le retentissement du traitement des enfants en fonction de leur origine, de leur couleur ou de leur religion, ce qui impactera non seulement les victimes directes mais aussi tous les autres enfants. Dans le domaine de la santé, le refus de soigner une partie de la population aggravera les risques épidémiologiques pour toutes et tous. Dans le domaine des droits des femmes, il y aura une volonté forte de revenir sur le droit à l’avortement, sur l’égalité salariale, sur la volonté de faciliter l’accès à l’emploi, même si Marine Le Pen s’en défend aujourd’hui. Il faut garder en tête que c’est son parti qui va prendre les manettes du pays, si elle est élue ! Le mariage pour tous, lui aussi, sera menacé, puisque l’extrême droite, avec l’appui des intégristes religieux qui lui sont liés, a toujours dit qu’elle reviendrait sur cette loi et ce droit. Elle a annoncé qu’elle remettrait en cause les aides traditionnelles et l’accès aux logements pour les « étrangers ». En s’attaquant aux droits sociaux d’une partie de notre population, elle jettera dans la misère non seulement ses victimes mais aussi tout un pan de la société.  

4 – Une internationale brune et le climatoscepticisme face aux dangers qui menacent la planète.

Sur le plan international, elle tissera des liens avec toutes les extrêmes droites, qui sont déjà ses amies en Europe et dans le monde, de Poutine à Orban en passant par Bolsonaro et l’extrême-droite américaine à laquelle elle est déjà liée par le Klu Kux Klan. La France en sera discréditée, perdra de son audience et de son rayonnement et sa voix ne sera plus beaucoup écoutée. Ses discours racistes et discriminatoires auront un impact particulier sur la zone francophone, la jeunesse de ces pays ne voudra plus venir étudier en France. Quand on prend en compte les bouleversements annoncés par le Giec, la possibilité d’autres pandémies, la relance de guerres diverses, le discours nationaliste et égocentré qui serait alors celui de la France va dégrader, voire déchirer, l’image de notre pays dans le monde. A propos de l’Union Européenne, la tentative de remettre en cause un certain nombre de structures et la dynamique délétère qui s’en suivra risque de pousser la France hors de L’UE comme le souhaite d’ailleurs, dès aujourd’hui, mais à voix basse, un certain nombre de dirigeants de ce parti. Enfin, le climato scepticisme en vigueur dans la plupart des pays dirigés par l’extrême droite entraînera des conséquences graves et destructrices sur la politique de la France dans ce domaine. Le Brésil de Bolsonaro ou les USA du temps de Trump ont bien montré le danger que représentent ces gens-là dans ce domaine aussi. Déjà, Marine Le Pen se prépare, comme première mesure, à démanteler toutes les éoliennes du pays…

5 – L’égoïsme national

Marine Le Pen a déclaré, « La différence entre moi et les autres c’est que je suis nationaliste et qu’ils sont mondialistes ».

La plupart des événements auxquels notre pays est confronté ne peuvent être traités qu’au niveau mondial : le réchauffement climatique dont le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui est un organisme international créé par l’ONU, vient de publier un rapport nous informant que nous n’avons que quelques années avant les catastrophes ; les pollutions, les guerres, les grandes inégalités mondiales, les reculs de la biodiversité, les pandémies, la maîtrise de la démographie mondiale, tous ces sujets nécessitent un traitement planétaire. Face à ces dangers, nous sommes des citoyens de la Terre, c’est par l’universalisme qu’on pourra les traiter, le nationalisme et surtout l’égoïsme national ne peuvent que les aggraver. Il faut une éthique, des droits, des lois et des règles universelles.

Le nationalisme exacerbé et les changements de la constitution dans le sens du rabougrissement de notre pays prônés par Madame Le Pen sont donc l’exact inverse de ce qu’il faut faire.

Conclusion

Que serait notre pays dans 5 ans avec des fascistes présents à toutes les manettes de nos institutions, une population divisée, haineuse les uns et les unes contre les autres, un pays appauvri, une France considérablement affaiblie dans l’arène mondiale ?

Dimanche 24 avril, au moment du vote, nous aurons en mémoire ces dizaines au moins de personnes assassinées par l’extrême droites dans les années 70, celles et ceux qui sont morts ou mutilés lors de l’attentat contre le consulat d’Algérie en décembre 1973 puis tous les crimes commis jusqu’à la fin des années 1990 et dont la plupart de leurs assassins n’ont été ni arrêtés, ni condamnés, ni inquiétés.

Voter Le Pen ou s’abstenir, c’est oublier les réfugiés, les immigrés, ceux et celles issus de l’immigration, les musulmans, les gens d’origine africaine, les femmes, les LGBT, l’environnement, la coopération des peuples, les solidarités et, finalement, notre propre pays en le livrant à un courant politique qui nous a déjà fait tant de mal…

Est-ce bien raisonnable ?

Jacques Soncin

STEPHANE RAVIER, RIDICULE ET DANGEREUX !

Le 15 juillet 2019, Stéphane Ravier, ex-maire du 7ème secteur de Marseille et sénateur des Bouches-du-Rhône, a écrit au maire de Marseille pour lui demander, à l’occasion du match de finale de la Coupe d’Afrique des nations, d’interdire les drapeaux étrangers, et particulièrement algériens, dans les rues de Marseille. Lors d’un interview à BFM, il a précisé sa « pensée » en affirmant qu’un enfant d’immigré titulaire d’une carte nationale d’identité française n’était pas un vrai français mais un français de papier. Cette affirmation ressemble curieusement au slogan de l’extrême droite d’avant-guerre : « Juif, pas français ».

Rappelons au sénateur d’extrême-droite que l’Algérie est un grand pays, ami de la France, ayant de très nombreux accords dans beaucoup de domaines avec notre pays. L’Algérie n’est en guerre contre aucun pays. De très nombreux français sont des enfants ou petits-enfants d’Algériens et plusieurs millions d’entre eux ont la double nationalité franco-algérienne.

Mais parlons plutôt du parti de Ravier, le Rassemblement national. Le 27 octobre 1972, l’ancien Waffen SS, Pierre Bousquet, se rend à la préfecture de Paris pour déposer les statuts d’un nouveau parti. Avec l’ancien tortionnaire en Algérie, Jean-Marie Le Pen, ils ont décidé de l’appeler Front national, volant ainsi sans vergogne le nom d’un des partis de la Résistance à l’occupant nazi. Le but était d’amalgamer l’immigration à l’occupant et de présenter leur parti comme un organe de résistance. Le mensonge et l’escroquerie sont la véritable matière de la propagande haineuse des fascistes. Ces mensonges n’ont pas de limite ce qui permettait à Goebbels, le maître de la propagande du régime nazi, de dire : « plus c’est gros, plus ça passe ». Avec l’aide de médias des puissances d’argent, et le soutien de politiciens de droite et de gauche, ce parti a conquis une certaine notoriété dans l’électorat français. En 2017, Marine Le Pen, dans le cadre de sa soi-disant stratégie de dédiabolisation, a changé le nom de son parti qui est devenu le Rassemblement national. Ce nom est, une fois de plus, tiré de la Collaboration. C’était le parti de Marcel Déat, qui s’est mis au service des nazis et qui a participé à leurs crimes. Déat, Doriot, et quelques autres parlaient de « divine surprise » en voyant la Wehrmacht défiler sur les champs Elysées avec les drapeaux nazis ! Marine Le Pen a ainsi voulu bien montrer la filiation de son parti avec celles des criminels au service de l’étranger, occupant la France, pourchassant les Juifs et les résistants.

Le terme de dédiabolisation a été inventé par les médias comme euphémisme pour masquer leur nature réelle. La photo de Marion Maréchal se frottant tout sourire avec Logan Djian, dit le « Duce », et à côté, le même en T-shirt, qui laisse apparaître son bras orné d’un tatouage en l’honneur de la 33e Waffen-Grenadier-Division de la SS Charlemagne, que les allemands appelaient la Division Frankreich, parce qu’elle était essentiellement composée de Français participant aux pires crimes au service de l’occupant nazi, illustre la continuité idéologique, politique et criminelle de ces gens-là.

Autre photo, celle de Marine le Pen avec un suprématiste estonien faisant le signe de ralliement des suprématistes blanc. Le tueur de Christchurch (Nouvelle-Zélande), Brenton Tarrant, avait également fait ce signe lors de son inculpation après avoir assassiné 51 fidèles dans des mosquées.

Vous avez dit dédiabolisation ? Je ne sais pas ce que le diable vient faire dans cette histoire mais, ce qui est sûr, c’est que ce sont de vrais fascistes incapables de cacher durablement leurs racines idéologiques criminelles.

Résumons-nous : Ravier écrit pour demander qu’on limite la liberté de paisibles supporters de l’une des équipe de la CAN, en qualifiant d’insupportable étranger le drapeau d’un pays ami de la France et de français de papier de nombreux Marseillais en raison de l’origine de leurs parents alors qu’il est membre d’un parti héritier de ceux qui ont soutenu l’ennemi de la France, qui ont applaudi la Wehrmacht quand elle défilait sur les champs Elysées avec le drapeau nazi, son parti qui manifeste publiquement sa continuité dans ce domaine…

Conclusion, il faut tout faire pour que le Rassemblement national n’ait plus aucun niveau de pouvoir dans notre cité phocéenne !

Marseille, le 20 juillet 2019

Jacques Soncin

Notre maison brûle et nous regardons ailleurs

Ce 15 avril, il n’est pas 19h, il fait encore jour sur Paris, et des flammes apparaissent au sommet de Notre Dame. Interloqués, les passants, les visiteurs voient l’incendie s’emparer d’un des plus emblématiques bâtiments de notre pays. Rapidement l’incendie devient terrifiant. Les pompiers tentent de le circonscrire mais rien ne semble l’arrêter. L’enfer est entré dans la maison de Dieu, selon les chrétiens. Tout s’arrête sur ce moment et cette catastrophe devient, pour les médias de France, le seul événement de la planète. Que signifie ce désastre, qu’est-ce que ces flammes veulent nous dire ? Et, comme en écho, reviennent à notre mémoire ces mots de Jacques Chirac prononcés lors de son discours devant l’assemblée plénière du IVème sommet de la Terre, le 2 septembre 2002, à Johannesburg : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Notre Dame, en cet instant, devient l’allégorie de la planète, la basilique qui brûle symbolise notre monde en train de partir en fumée, notre humanité menacée de disparition par le réchauffement climatique, les pollutions, les menaces environnementales et les guerres.

Et tous ceux qui sont responsables de cet état du monde, de Trump à Poutine, de Pékin à Ankara, d’un bout à l’autre de la planète se lamentent devant ces flammes prémonitoires d’autres désastres. Le caractère religieux du bâtiment en renforce la signification annonciatrice. Pendant toute la soirée, les médias essaient de nous donner la dimension du bâtiment par la fréquentation des puissants parmi lesquels surgissent les noms de Napoléon ou Mitterrand. Napoléon y fut couronné empereur et deux siècles plus tard la république le désignait implicitement comme « criminel contre l’humanité » par la loi promulguée le 21 mai 2001 « tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité », à l’égal de la Shoah et des autres génocides du XXe siècle, crime qu’il a commis en rétablissant l’esclavage par le décret du 20 mai 1802. Mitterrand y reçut un hommage international le 11 janvier 1996 alors que ses obsèques se déroulaient à Jarnac. Mitterrand fut de tous les crimes de la France dans cette seconde moitié du vingtième siècle de la collaboration à la première guerre d’Irak, de la guerre d’Algérie au génocide des tutsi au Rwanda. C’est l’écrivain et le poète Victor Hugo qui a traité dans son ouvrage « Notre Dame de Paris » de cette contradiction entre Frollo, représentant la puissance, et Esméralda ou Quasimodo symboles de ces populations invisibles, maltraitées stigmatisées… On nous parle de Napoléon et on ne peut s’empêcher de penser à Esméralda…

Sous la chaleur de ce feu, le Président Macron déserte les projecteurs de son intervention qui devait décliner les promesses devant répondre, lors du vingt heures, à l’Urgence climatique et aux revendications sociales pour se rendre devant Notre Dame et lui promettre une reconstruction rapide.

La planète brûle, les grandes menaces exposées par les différentes rencontres internationales sont toujours là. Les scientifiques tirent toutes les sonnettes d’alarme. Mais les grands de ce monde regardent ailleurs. Ils dansent la sarabande autour d’un immense volcan. Quant aux populations, elles sont hypnotisées par les nombreux spectacles de l’insignifiance. En brûlant ainsi, Notre Dame nous indique que l’incendie est là.

On pourra reconstruire Notre Dame mais qui reconstruira Notre Planète ?

Le sage montre la Lune et l’imbécile regarde le doigt…

Marseille, le 16 avril 2019

Jacques Soncin

FELIX EBOUE : Ce que la résistance Française doit à l’Afrique

Félix Eboué est un descendant d’esclaves, né en Guyane française, en 1884. Excellent élève, Félix obtint une bourse pour poursuivre ses études secondaires à Bordeaux, au lycée Montaigne, puis à Paris, à la faculté de droit et à l’École coloniale. Il sort de son cursus bardé de diplômes. En 1910, il est nommé administrateur des colonies à Madagascar, puis en Oubangui-Chari (actuelle République centrafricaine), où il se fait apprécier pour son humanisme, sa volonté de se rapprocher de la population et de s’imprégner des coutumes locales.

Secrétaire général de la Martinique, il devient gouverneur de la Guadeloupe en 1936. La nomination d’un Afro-descendant à un tel poste était une première.

En 1938, il est nommé gouverneur du Tchad. Il travaille à l’équipement en faisant construire des routes, qui serviront aux généraux des régiments africains à remonter vers le Nord.

Lors de la défaite de juin 1940, deux orientations s’affrontent : Montoire et l’appel du 18 juin. Soit on reconnaît la légitimité de Pétain et la légalité de l’armistice signée à Montoire, soit on affirme que la France, avec de Gaulle, reste en guerre et que la seule légitimité c’est la France libre. Dans le premier cas, lors de l’effondrement du Reich, la France fera partie des vaincus, dans le deuxième cas elle sera aux côtés des vainqueurs. C’est tout le sens du combat de la France libre. Les alliés, britanniques et américains, désireux d’affaiblir la position du général de Gaulle, n’hésiteront pas à soutenir contre lui, des pétainistes notoires ou honteux comme l’amiral Darlan ou le général Henri Giraud ou à le contraindre à « cohabiter » avec eux. Il fallait donc une légitimité incontestable à la France Libre pour avoir la force de se débarrasser de ces scories.

Dès le 18 juin 1940, Félix Eboué, administrateur du Tchad, soutient l’appel de Charles de Gaulle et l’invite à Fort Lamy (actuel Ndjamena). Ensemble, ils gagnent le soutien des administrateurs de l’actuelle Centrafrique et celui du Cameroun. Celui du Congo, pétainiste, est arrêté et remplacé par un fidèle. L’essentiel de l’Afrique équatoriale française est alors contrôlé par la France libre.

Le 27 octobre 1940, en réaction à la rencontre de Montoire, le général Charles de Gaulle lance un Manifeste de Brazzaville, capitale de l’Afrique Équatoriale Française (AEF). Il y affirme ainsi son autorité et annonce la constitution d’un Conseil de Défense de l’Empire.

Y figurent les principales personnalités qui l’ont déjà rejoint dont le général Larminat, le gouverneur Félix Éboué, le colonel Leclerc de Hauteclocque ou le professeur René Cassin.

Le 29 janvier 1941, Félix Eboué figure parmi les cinq premières personnes à recevoir du général de Gaulle la croix de l’ordre de la Libération.

Le 11 août 1941, le chef de la France libre le nomme secrétaire général de l’Afrique équatoriale française.

Félix Eboué transforme alors l’AEF en une véritable plaque tournante géostratégique d’où partent les premières forces armées de la France libre, conduites par les généraux de Larminat, Kœnig et Leclerc. Résidant à Brazzaville, il organise une armée de 40 000 hommes et accélère la production de guerre en appliquant enfin la « politique indigène » qu’il a eu le temps de mûrir au cours de sa longue carrière.

Par son action, il met sous l’autorité de la France libre un territoire grand comme cinq fois la France et une armée conséquente.

 Lors de la conférence de Brazzaville, organisée durant la Seconde Guerre mondiale, du 30 janvier au 8 février 1944, par le Comité français de la libération nationale (CFLN), a été décidé le rôle et l’avenir de l’empire colonial français. A l’issue de cette conférence, l’abolition du code de l’indigénat, demandée par Félix Eboué, est décidée.

Par son action, Félix Eboué a incontestablement permis à la France d’être assise, le 8 mai 1945, dans le camp des vainqueurs. Rajoutons que ses quatre enfants, 3 fils et une fille, ont rejoint la résistance et combattu le régime hitlérien. Mort en mai 1944 en Egypte, quelques jours avant le débarquement de Normandie, il n’a pas pu assister à cette défaite du régime nazi à laquelle il a contribué.

La France, par la loi du 28 septembre 1948 ordonna que soient inhumés au Panthéon les restes du premier résistant de la France d’Outre-Mer. La dépouille mortelle de Félix Éboué fut débarquée le 2 mai 1949 à Marseille et il est entré au Panthéon, en compagnie de Victor Schœlcher, le vendredi 20 mai 1949.

Il est le seul afro-descendant, le seul Noir, à être inhumé au Panthéon.

Récemment, à l’occasion de l’entrée de Simone Veil au Panthéon, j’ai regardé 4 émissions sur quatre chaînes différentes sur les hôtes illustres, dont quelques beaux salopards, de ce lieu funéraire. Aucune n’a cité Félix Eboué. Le rôle de Félix Eboué n’est mis en lumière ni dans les enseignements scolaires ni dans les émissions, nombreuses sur la deuxième guerre mondiale, réalisées par les grands médias, publics et privés.

Les années qui ont suivi la libération de notre pays furent marquées par l’oubli de la dette due à l’Afrique : massacre à Madagascar, écrasement sanglant de la révolte au Cameroun, tuerie à Sétif, en Algérie. Les indépendances qui devaient fonder de nouveaux rapports, ne furent qu’un simulacre pour la mise en place d’une France Afrique soumise aux intérêts de la métropole et à la moulinette du Franc CFA, toujours en vigueur. Les tentatives de développement alternatif se soldèrent par des répressions impitoyables, de l’embargo imposé à la Guinée pour punir Sékou Touré d’avoir dit Non à la communauté française à l’arrestation de Modibo Keïta au Mali, de la participation à l’assassinat de Patrice Lumumba au Congo à celui d’Ali Soilihi M’tsashiwa aux Comores, jusqu’à l’exécution de Thomas Sankara au Burkina Faso. Bien sûr, il faut citer aussi la guerre d’Indochine et celle d’Algérie où des peuples ont imposé par la Force ce qu’on aurait dû leur restituer par le droit. C’est aussi dans ce contexte qu’il faut placer la complicité de la France avec le génocide au Rwanda et les crimes terribles qui l’ont suivi dans l’Est de la République Démocratique du Congo.

Les événements récents, la Méditerranée devenue un cimetière pour les migrants ayant quitté l’Afrique, la Coupe du monde où, encore une fois, la France doit sa victoire à des enfants d’Afrique, nous montrent que le malaise réside dans l’oubli systématique de l’histoire des relations entre nos deux continents. Les jeunes Français, comme les jeunes Africains, ont besoin de cette éducation, de cette vérité, qui seule pourra nous apporter des rapports apaisés et égalitaires sur le plan culturel, économique et politique. Et c’est le seul avenir positif envisageable pour la France.

Si elle oublie ce qu’elle doit à l’Afrique, la France, ramenée à ses petites dimensions hexagonales, se perdra écrasée par les jeux complexes des rapports de force mondiaux.

 Jacques Soncin

Le 26 juillet 2018

 Quelques documents sur mon blog pouvant compléter le présent article

 1 – La rafle du vel d’hiv et la bataille de Stalingrad

https://jacquessoncin.wordpress.com/2017/07/16/16-et-17-juillet-1942-la-rafle-du-vel-dhiv-et-le-siege-de-stalingrad/

 2 – Comment des richesses de premier plan ont pu naviguer d’un camp à l’autre en fonction des victoires…

https://jacquessoncin.wordpress.com/2017/09/25/une-richesse-bien-francaise/

 3 – Le génocide au Rwanda et la complicité de la France

https://jacquessoncin.wordpress.com/2014/04/07/le-genocide-des-tutsis-au-rwanda/

Trois livres : Mai 68 à Marseille

Par Jacques Soncin

50 ans après mai 68, pour la première fois, enfin, on s’intéresse à l’histoire ou au moins aux événements de cette période ouverte par mai 68 dans la cité phocéenne… Nous assistons à une floraison de livres, de réunions, de colloques pour parler d’une période que les moins de cinquante ans ne peuvent pas connaître. Les bateleurs de la droite, qui voulaient déjà en finir avec 1936 puis avec le Conseil national de la Résistance déversent des tonnes de mots pour expliquer que Mai 68 est aussi à l’origine de tous leurs maux.

Mai 68, le fond de l’air est chaud…

Il y avait une ambiance bien différente à cette époque. Les résistants à l’infamie nazie étaient encore jeunes et nombreux. La vieille France coloniale venait d’essuyer deux défaites cinglantes : l’Indochine puis l’Algérie. Plus de cent mille rapatriés s’étaient établis à Marseille à partir de 1962. Lors des accords d’Evian, la France avait demandé à l’Algérie l’envoi de centaines de milliers de travailleurs, qui avaient été installés dans les conditions les plus précaires, souvent en bidonvilles, dans les quartiers périphériques.

Et puis il y avait aussi l’état du monde.

Les Etats-Unis avaient pris le relais de la France au Vietnam mais, malgré les bombardements incessants et criminels, la résistance ne faiblissait pas et Ho Chi Minh leur donnait des cauchemars. En revanche, une véritable levée d’un mouvement antiguerre avait vu le jour et prenait les rues des principales villes américaines. Toujours outre-Atlantique, la lutte pour l’égalité des droits et contre la ségrégation avait gagné en puissance, et l’assassinat, le 4 avril 1968 à Memphis, du pasteur Martin Luther King, prix Nobel de la paix, souleva alors une indignation universelle. Partout dans le monde, la jeunesse est à l’assaut du ciel : au Japon, l’organisation étudiante Zengakuren s’en prend aux intérêts américains, en Chine les Gardes rouges au cœur d’une révolution culturelle, mènent la vie dure aux barons du parti communiste chinois, en Afrique du Sud la lutte contre l’apartheid secoue violemment le système et l’emprisonnement de Nelson Mandela en 1962 ne fait que renforcer la révolte et la colère. Au Mozambique, en Guinée Bissau, en Angola, les peuples combattent pour en finir avec le colonialisme portugais. En Amérique du sud, toutes les dictatures imposées par le grand voisin du nord sont confrontées à une violente opposition. Figure emblématique, Che Guevara vient de disparaître, exécuté par l’armée bolivienne le 9 octobre 1967. Les pays du bloc soviétique ne sont pas épargnés par cette contestation : La dissidence en Urss, les mouvements populaires en Hongrie, en Pologne et surtout en Tchécoslovaquie, avec le Printemps de Prague. La jeunesse européenne est elle aussi en ébullition : de la République fédérale d’Allemagne, où Rudi Dutschke, est victime d’un attentat le 11 avril 1968, à l’Italie où les étudiants n’en finissent pas de manifester. Dans la péninsule ibérique, les rescapés de la période hitlérienne, Franco et Salazar sentent que la fin de leur régime est proche.

En mai 68, à Marseille comme ailleurs, la jeunesse rêvait de changer le monde. Et, parmi elle, les militantes et les militants étaient les plus à l’affut des événements.

De nombreux livres sont déjà parus, nationalement, sur Mai 68, ses leaders, ses rêves, ses impasses, ses dérives. Mais ils se centrent presque exclusivement sur l’intelligentsia parisienne. Pour la première fois quelques auteurs ont choisi d’étudier et de relater le mai marseillais.

Marseille en mai 68 et les années de rêves.

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Sébastien Barles, un militant écolo qui fut, quelques années, élu municipal, souhaitait étudier ce mouvement qu’il n’avait pu connaître, étant né en 1973. Ce docteur en droit public ne nous assène pas une lourde monographie. Après discussion avec quelques « anciens combattants », il a déterminé 9 grands témoins parmi celles et ceux qui avaient joué un rôle en mai et après mai, auxquels se sont ajoutés quelques autres au cours de son enquête, puis il a défini plusieurs thématiques judicieusement choisies. Si sa qualité d’écriture est incontestable, il a retranscrit fidèlement les paroles de ces témoins en les articulant et en les mettant en perspective. Ses propres commentaires restent toujours en aparté sans remettre en cause les propos tenus. Les thématiques correspondent effectivement aux réalités de notre ville et du mouvement qui s’y est déroulé. Le cocktail ainsi obtenu donne une bonne idée non seulement de ce qui s’est passé dans ce qu’on appelle les « années 68 » mais en évoque même l’ambiance. Parce qu’il est clair, parce qu’il peut être lu aisément et parce qu’il sonne juste, c’est un livre à conseiller à celles et ceux qui souhaitent plonger dans ce moment de l’histoire de notre ville.

Les éditions Timbuctu – 17 € – 166 pages

 

Marseille années 68

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Avec ce livre de 600 pages, on est dans une autre catégorie. Publié à « Sciences Po les presses », avec le concours du Pôle de recherche national Lives, il est écrit sous la direction d’Olivier Fillieule, professeur de Sociologie politique à l’Université de Lausanne et Isabelle Sommier professeur de sociologie politique à l’université Panthéon-Sorbonne (Paris-1) avec le concours de quatre universitaires : Rachida Brahim, Laure Fleury, Lucie Bargel et Charles Berthonneau.

L’ouvrage se présente en couverture par une superbe photo de manifestation. On pense d’emblée, au vu du titre, qu’il s’agit d’une photo de 1968. En fait, c’est un cliché de Pierre Ciot, pris lors de la manifestation des ouvrières de la navale CGT sur la Canebière, le 20 juillet 1978… Cet anachronisme, non signalé, évoque, dès l’ouverture, une certaine liberté avec la réalité.

Ce livre fera date. Il y a un vrai travail avec de réelles pépites. Les auteurs ont entendu, hélas pas nécessairement écouté, de nombreux témoins, ont épluché diverses archives, hélas en apportant une confiance exagérée à celles venant de la police, ils ont couvert diverses thématiques et il sera incontestablement un ouvrage de référence pour toutes celles et tous ceux qui voudront s’intéresser aux années 68 dans notre métropole méditerranéenne.

J’y apporterai, à titre d’acteur de cette époque et aussi parce que j’ai fait partie des personnes interrogées, quelques précisions :

1 – Dans la partie sur la lutte contre le racisme, l’auteur de cette section n’a que très peu insisté sur l’extrême-droite, OAS, Méridional, groupes fascistes, qui étaient pourtant à l’origine directe ou indirecte de la totalité des attentats et crimes qui ont endeuillé notre cité. On n’a pas mis en lumière les liens profonds et militants qui s’étaient établis entre les organisations issues de l’immigration, les réseaux militants antifascistes et les organismes humanitaires. Le Mouvement des travailleurs arabes (MTA) est présenté avec des erreurs manifestes d’appartenance à telle ou telle organisation. La grève contre le racisme appelée par le MTA et ses conséquences sont sous-évaluées. L’existence de groupes d’appui à l’extrême droite au sein de la police de l’époque n’est pas évoquée.

2 – En ce qui concerne le mouvement étudiant, si ce qui s’est passé dans les facultés de sciences et à Aix est assez bien présenté, la question de la faculté de médecine est largement occultée. La Timone est l’une des seules facultés de France, avec Assas à Paris, à avoir été occupée par l’extrême droite. Très rapidement après 1968, un nouveau doyen, proche de l’Action française, est nommé, Henri Roux. Dès 1969, les étudiants en médecine, en défiance avec l’Unef, créent le Comité de lutte médecine qui se fixe pour but de mettre fin à la domination des fascistes sur la faculté, de mener le combat pour une médecine au service du peuple et de soulever la question de l’avortement. En quatre ans, le Comité de lutte parvient à faire tomber la Corpo et à faire démissionner le doyen Roux, gagne la bataille des reçus-collés contre le numérus clausus, dont on se rend compte aujourd’hui des conséquences néfastes pour la santé publique, et lance avec succès la bataille pour la libéralisation de l’avortement. Plusieurs étudiants pratiquent des IVG avant la loi et certains importent à Marseille la méthode Karman. Nous n’en trouvons que très peu de traces dans cet ouvrage.

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3 – Enfin on peut constater une certaine subjectivité, pour ne pas dire plus, dans le traitement des personnes interrogées. Que les auteurs n’aient que peu tenu compte de leurs propos allant même jusqu’à les déformer, c’est déjà désagréable et ça induit une certaine méfiance sur le reste. Mais que ces universitaires décident que certains puissent parler à visage découvert et que d’autres soient arbitrairement confinés dans l’anonymat d’un pseudonyme bidon relève incontestablement d’une certaine malhonnêteté.

En conclusion, ce livre riche, ardu, sur lequel les auteurs ont travaillé pendant plusieurs années, sans sous-estimer son importance et sa valeur, ne me semble pas avoir atteint tout ce qu’on pouvait en attendre et c’est dommage, surtout venant d’une équipe aussi diplômée.

Marseille années 68 – SciencesPo Les presses – 25 €

La France des années 1968

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Dernière présentation de cette trilogie, cet ouvrage peut sembler hors contexte puisqu’il traite de mai 1968 dans sa généralité. Véritable encyclopédie, il s’agit d’un document essentiel et très fourni concernant cette période. Dans ces conditions il ne peut qu’éclairer ce que fut la réalité marseillaise.

900 pages, 77 auteurs, 84 articles, il balaie tous les aspects de cette période.

Publié en 2008 pour le quarantième anniversaire de mai 68, sa rédaction a été coordonnée par Antoine Artous, docteur en science politique, Didier Espaztain et Patrick Silberstein, co-fondateur de Ras l’front et des éditions Syllepse.

Les thématiques abordées sont extrêmement diverses, en voici quelques exemples : Sous la plage, la grève (Jacques Kergoat), Anarchismes (Stéphane Moulain), Avortement (Maud Gelly), Che Guevara (Janette Habel), Comité de soldats (Patrick Le Tréhondat), La question Corse (Paul Alliès), Dom Tom (Gilbert Pago), Féminisme (Josette Trat), Immigrés (Gérard Prévost et Aïssa Kadri), Justice (Evelyne Sire-Marin), La Société du spectacle (Daniel Bensaïd), Mai rampant en Italie (Cinzia Arruzia), Pays de l’Est (Catherine Samary), Polar post-soixante-huitard (Elfriede Müller), Prisons (Jean Bérard), Psychiatrie (Pascal Boissel), Radios pirates (Jacques Soncin).

La France des années 1968 – Editions Sylepse – février 2008 – 30 €

L’emballement politico-médiatique favorise l’antisémitisme !

Le 31 janvier dernier, un gosse de 8 ans, se plaint d’avoir été agressé dans la rue par deux ados « noirs » qui l’auraient jeté à terre et frappé violemment. Les parents portent plainte au commissariat de Sarcelles et, à partir de là, c’est l’emballement. Toute la presse bolorico-bouyguienne et clones associés en rajoute, évoquant même un véritable passage à tabac. Et la Kipa que portait l’enfant devient la raison de cet acte ignoble.

Lire la suite L’emballement politico-médiatique favorise l’antisémitisme !

UNE RICHESSE BIEN FRANCAISE

Dans la nuit du 20 au 21 septembre dernier s’éteignait Liliane Bettencourt, possédant la 11ème richesse du monde, estimée à 36 milliards de dollars, selon le classement du magazine américain Forbes, pour l’année 2017. Elle avait défrayé la chronique à partir de 2007 à cause de ses relations financières avec Eric Woerth et Nicolas Sarkozy. Tout ça n’était pas très propre.

ParcoursLilianeBettencourtMais la gestion de la fortune de son père Eugène Schueller et de la carrière de son mari André Bettencourt illustre bien ce que sont ces riches qui vivent sur la misère du monde.

En 1907, le jeune chimiste Eugène Schueller met au point une formule permettant de teindre les cheveux. Il lui donne pour nom une coiffure féminine en vogue à l’époque et qui évoque une auréole, « L’Auréale ». Pour accéder au marché de la grande consommation, il achète la Société des savons français, plus connu sous le nom de marque MONSAVON.

En 1936, ses affaires ont très bien marché et Schueller est déjà à la tête d’une petite fortune. Il investit dans la formation d’un groupe politique, initié par Jean Filiol, le « Comité secret d’action révolutionnaire » plus connu sous le surnom de la Cagoule et dont font partie André Bettencourt, François Mitterrand ou René Bousquet…

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Lorsqu’advient la divine surprise de l’extrême droite, l’occupation de la France par les nazis, Schueller, Filiol, Deloncle (frère d’Eugène), Bettencourt se jettent dans la collaboration. En 1942, Schueller, qui est devenu l’un des principaux actionnaires de Nestlé, envoie Bettencourt en Suisse pour « aryaniser » cette société.

André Bettencourt prend la direction d’une revue collaborationniste « La terre française ». Il y a une rubrique « Ohé les jeunes ». En 1942, il y publie un article intitulé « La dénonciation serait-elle un devoir ? » où il affirme que « les jeunes doivent être, dans chaque village, les agents du Maréchal, la police de la révolution ». Et plus tard, toujours dans le même torchon, il écrit « les juifs, pharisiens hypocrites, n’espèrent plus. Pour eux, l’affaire est terminée. Ils n’ont pas la foi. Ils ne portent pas en eux la possibilité d’un redressement. Pour l’éternité, leur race est souillée par le sang du juste ».

A partir de février 1943, après Stalingrad, comme tout le monde, il comprend que les nazis ont perdu. Il faut se refaire une virginité politique. Pour cela il s’appuie sur François Mitterrand qui a fraîchement quitté Vichy. Ensuite, il a prétendu être l’agent de liaison du Conseil national de la Résistance en Suisse, ce qui a été fortement contesté par Serge Klarsfeld. Mais malgré tout, après la guerre il arrive à passer à travers les gouttes de l’épuration et à éviter le glaive de la justice, il en sauve aussi son patron et futur beau-père, Eugène Schueller. Henri Deloncle crée une filiale de l’Oréal en Espagne et y embauche Jean Filiol, qui a fui la France où il est condamné à la peine capitale pour sa participation au crime atroce d’Oradour-sur-Glane. Malgré les demandes de la justice, il ne sera pas extradé par Franco. A la même période, François Mitterrand est choisi comme directeur général du magazine « Votre beauté », dédié à la promotion des produits L’Oréal…

En 1950, André Bettencourt épouse Liliane Schueller, fille d’Eugène, dont il aura une fille, Françoise.

Françoise se marie le 6 avril 1984 avec Jean-Pierre Meyers, lui-même petit-fils de l’ancien rabbin de Neuilly-sur-Seine, Robert Meyers, déporté avec son épouse à Auschwitz.

En 1994 le passé d’André Bettencourt le poursuit, son beau-fils le traite d’antisémite, des journaux évoquent son passé. Il est alors amené à exprimer ses regrets pour ce qu’il appelle des « erreurs de jeunesse »

Erreurs de jeunesse qui ne l’ont pas empêché d’être plusieurs fois ministre, d’obtenir la Rosette de la Résistance, la croix de guerre 39-45 et d’être décoré de la légion d’honneur.

LilianeBettencourtQuant à Liliane Bettencourt, qui n’a fait qu’hériter de la richesse de son père et de suivre les méandres politiques de son père et de son mari, elle s’est contentée de la Légion d’honneur et d’être la femme la plus riche du monde.

Jacques Soncin

16 ET 17 JUILLET 1942 : LA RAFLE DU VEL D’HIV ET LE SIEGE DE STALINGRAD

Le Président Macron, 75 ans après la rafle du Vel d’Hiv, a organisé une grande manifestation pour commémorer l’un des forfaits les plus ignobles de l’Etat français. Mais si ce crime est révélateur de ce que sont les classes dirigeantes de notre pays, il nous instruit aussi sur la manière dont on édulcore le processus qui a conduit à sa réalisation ainsi que sur l’impunité dont ont bénéficié ceux qui, à des titres divers, ont permis cette horreur.

En 1942 et depuis Montoire où Pétain s’était engagé dans une politique de collaboration avec les nazis, soutenue par l’essentiel de l’Etat français (Police, justice, administration, industrie et même clergé…), une grande partie de « l’élite » pense qu’Hitler peut gagner et attend qu’il « nous débarrasse du bolchévisme », c’est-à-dire, à cette époque, de l’Union Soviétique.

Montoire

La plupart des politiques et des hauts fonctionnaires sont dans une entreprise de séduction de l’occupant, il s’agit de lui montrer qu’on est loyal, qu’on en rajoute sur ses crimes et, parmi eux, il y a ceux qui partagent peu ou prou l’idéologie nazie et ceux qui veulent seulement conserver leur place ou en gagner une meilleure.

Et c’est ainsi que des gens comme René Bousquet, Jean Legay ou Victor Barthélémy (cet ancien communiste, proche de Doriot, à la tête de sa milice, a participé à la rafle en tant que supplétif de la police française. Plus tard, en 1973, il fondera le Front national avec JM Le Pen et il en sera le secrétaire général) vont mettre toute leur énergie pour contribuer à cette ignominie. René Bousquet, secrétaire général de la Police de Vichy, proposera même aux Allemands, qui lui demandaient d’arrêter tous les Juifs de plus de quinze ans, de baisser la barre à deux ans pour cette rafle du Vel d’Hiv. Il a aussi mis la police française à disposition pour diligenter les arrestations. Et la police française a réalisé ce sale boulot sans manifester beaucoup d’état d’âme.

Rappelons aussi que François Mitterrand, qui devient l’ami de Bousquet pendant la collaboration, est au service de Vichy où il travaille au Commissariat au reclassement des prisonniers de guerre. Mission qui lui vaudra, sous le parrainage de deux anciens de la Cagoule (groupe d’extrême droite, adepte des coups de force, actif à l’époque du front populaire), d’être décoré de la plus haute distinction de ce régime : la Francisque.

A la même époque, les Allemands avaient décidé de déclencher l’opération Barbarossa. Tous les réactionnaires du monde, y compris le Pape, souhaitaient qu’Hitler détruise l’URSS. Les Soviétiques, surpris par cette offensive, en contradiction avec le pacte germano-soviétique qu’ils avaient signé avec les nazis en 1939 sur le corps de la Pologne, se reprennent après une avancée fulgurante des troupes allemandes et de leurs alliés roumains, italiens, hongrois et croates. Le 17 juillet 1942, le jour de la rafle, l’armée allemande et ses alliés arrivent aux portes de Stalingrad. Et en quelques mois tout va s’inverser. Les Allemands sont confrontés à une résistance héroïque et désespérée qui les bloque dans la ville. Plus les semaines passent et plus leurs difficultés s’accroissent. L’hiver venant, la situation devient impossible et le 2 février 1943, après avoir perdu 400.000 soldats, les Allemands se rendent. 91.000 sont alors fait prisonniers par les soviétiques dont 2.500 officiers. Quant au Maréchal Friedrich Paulus, le plus haut gradé de la Wehrmacht, il a été le premier capturé, le 31 janvier, et il va très rapidement accepter de collaborer avec les  services de Staline. 800.000 soviétiques, dont de nombreux civils, ont laissé leur vie dans les combats de Stalingrad. La machine soviétique se met alors en marche vers l’Allemagne et plus rien ne va l’arrêter.

Ce jour-là tout le monde comprend qu’Hitler a perdu la guerre et la seule question encore en suspens c’est de savoir quelle armée, américaine ou soviétique, arrivera en premier à Berlin. A partir de février 1943 la résistance va se gonfler de tous les collabos opportunistes : Mitterrand et Bousquet en sont, chacun dans sa catégorie, de significatives illustrations. Les services rendus à la Résistance depuis  ce moment-là leur permettront d’assurer leur défense pour les lendemains de la libération.

Et, effectivement, de nombreux collabos, pourtant de premier plan, comme Bousquet, passeront au travers des mailles du filet de l’épuration parce qu’ils ont su très vite se mettre du bon côté, après avoir fait le même choix, quelques années plus tôt, au service de Pétain. Il faudra attendre des décennies pour que des comptes soient demandés à Touvier, à Papon (responsable de la déportation de centaines de Juifs, dont de nombreux enfants, sous Pétain, en tant que secrétaire général de la préfecture de Bordeaux et qui, 20 ans plus tard, préfet de Police de Paris, le 17 octobre 1961, organise le massacre d’une manifestation de travailleurs algériens dans la capitale) ou à Bousquet. Ce dernier a pu mener une lucrative carrière à la Banque d’Indochine. De ce poste, il a assuré le financement des campagnes présidentielles de Mitterrand en 1965 contre de Gaulle et en 1974 contre Giscard d’Estaing. Il a aussi pris la direction de la Dépêche du Midi en 1959.

Lorsque l’heure des comptes arrive, notamment après les révélations de Serge Klarsfeld, à la fin des années 1980, sur son rôle dans la rafle du Vel d’Hiv, son ami Mitterrand est alors président de la République. Il fait tout son possible, avec l’aide de son ministre de la justice, Georges Kiejman, pour éviter le procès, qui pourrait aussi l’éclabousser.

Et alors que la possibilité d’une action judiciaire se précise, le 8 juin 1993, il est assassiné par Christian Didier, présenté comme un déséquilibré. Et le dernier procès tenable concernant Bousquet sera celui de son assassin, condamné à dix ans de prison en 1995 et qui n’en fera que cinq…

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Quant à Mitterrand il passe pour la figure emblématique de la gauche après avoir milité dans sa jeunesse dans les rangs de la Cagoule, travaillé pour le régime de Vichy et avoir été décoré de la Francisque, avoir combattu le peuple algérien (« l’Algérie c’est la France, la seule négociation c’est la guerre »). Après son arrivée au pouvoir en 1981, il a écrit à la Haute autorité pour ouvrir les portes des grandes chaînes de télévision à JM Le Pen, ce qui permettra au Front de la haine (dont Victor Barthélémy était le secrétaire général quelques années plus tôt) de s’inscrire durablement dans le champ politique français. Président de la République, il a fait fleurir chaque année la tombe du Maréchal Pétain. Il a donné l’appui de la France à la première guerre contre l’Irak, qui a déstabilisé toute la région pour des décennies. Et il a fini sa présidence en apportant sa complicité aux génocidaires rwandais. Ce qui est clair, c’est qu’il est bien représentatif d’une certaine France, mais pas de celle qu’on aime le plus !

La France n’a jamais vraiment réglé la question du comportement de son appareil d’Etat dans cette période et la multiplication des commémorations, des déclarations grandiloquentes et des leçons d’histoire à géométrie variable ne constituent en réalité que la manifestation de ce profond malaise français.

Joyeuse, le 17 juillet 2017

Jacques Soncin

LA GUERRE DES ONDES

Le 28 juin 1944, après plusieurs jours de planques et de repérages, un commando dirigé par Morlot s’engouffre vers 6h du matin dans le n°10 de la rue de Solférino à Paris. Morlot et l’un de ses camarades pénètrent brutalement dans la chambre ou dort un couple. Réveillée, la femme hurle, l’homme panique. Les coups de feu claquent, il est touché. Morlot s’avance et lui inflige le coup de grâce. Ainsi est mort Philippe Henriot, secrétaire d’Etat à l’information et à la propagande du gouvernement Laval, sous Pétain. Après cette action, les miliciens se déchaînent pour retrouver les responsables : arrestations, tortures, représailles. Mais ils ne remonteront jamais jusqu’à Morlot.

Qui est Morlot ?

Morlot est le pseudonyme de Charles Gonard, un résistant intrépide et courageux. Quelques jours avant l’exécution d’Henriot, il a organisé l’évasion de Jean-Pierre Lévy, responsable du mouvement Franc-tireur, un des chefs de file du Conseil national de la résistance. Dès 1941, après la débâcle, dégoûté par le pétainisme, après avoir essayé en vain de rejoindre Londres, Charles Gonard, qui n’a pas encore vingt ans, s’engage contre l’occupant. Envoyé dans le sud de la France, il multiplie les actions contre les Allemands et leurs collabos à Marseille et Nice : sabotages, exécutions de traîtres, attaques contre la milice. En février 1944, il intègre à Paris le Comité d’action militaire (COMAC) et à seulement 23 ans, il forme les groupes francs des FFI et il réorganise la structure du réseau malmené par la répression. Son groupe composé professionnellement d’experts et de praticiens de la clandestinité, détruit les fichiers du STO et liquide des membres français de la Gestapo (Geheime Staatspolizei). Une fois la France libérée, Charles Gonard a mené une vie « normale », il a dirigé la compagnie chérifienne des textiles au Maroc et il a élevé plusieurs enfants… Il s’est éteint le 12 juin 2016 à Vence, dans les Alpes Maritimes, à l’âge de 95 ans.

Philippe Henriot

Philippe Henriot, né en 1889, est issu d’une famille catholique, de droite et antisémite. Il fait ses études à l’Institut catholique de Paris. Il est nommé professeur de lettres dans le privé. Par la suite il prend la direction du journal de l’Action catholique à Bordeaux. Il entamera une carrière d’activiste politique d’extrême-droite en participant aux manifestations des Croix de feu, qui ont menacé la République. Dans l’entre-deux-guerres, Henriot est germanophobe et belliqueux envers l’Allemagne. Mais l’arrivée d’Hitler au pouvoir le radoucit et il devient partisan de l’entente avec l’Allemagne. Au moment de la débâcle, il est député. Dès 1940, le défilé de troupes nazies à Paris, pour lui, comme pour le reste de l’extrême-droite, constitue une « divine surprise ». Il se rallie à Pétain. Très rapidement, il devient la voix du régime de Vichy. Deux fois par jour, sur Radio Vichy ou sur Radio Paris, il vitupère contre la résistance, la France-libre, le Général de Gaulle, les communistes. On l’entend partout en France sur les ondes de Radio Paris. La Radio de la résistance, au micro de la BBC, lui répond et une espèce de guerre des ondes s’instaure ainsi pendant cette période.

Pierre DAC

André Isaac, alias Pierre Dac, est un humoriste, né en 1893. Il s’engage dès le début dans la résistance. Sa chaleur, son intelligence et son humour feront des ravages sur la Radio de la Résistance. C’est lui qui a mis au point la ritournelle : « Radio Paris ment, Radio Paris ment, Radio Paris est allemand« , que tout le monde connaît et parfois fredonne à cette époque. Un échange entre les deux hommes donne une idée de ce qu’était le versant radiophonique de la guerre impitoyable entre collabos et résistants.

Tout commence lorsque Pierre Dac, avec sa causticité imparable, raille un discours de Philippe Henriot depuis l’antenne londonienne. Ce dernier réplique ainsi, le 10 mai 1944, au micro de Radio Paris :

« Assurément, personne n’est obligé de se rendre à mes arguments et tout le monde a le droit d’ironiser sur ce que je dis (…) Mais où nous atteignons les cimes du comique, c’est quand notre Dac prend la défense de la France. Vraiment les loufoqueries de l’Os à moelle ne m’ont pas toujours fait rire, mais le juif Dac s’attendrissant sur la France, c’est d’une si énorme cocasserie qu’on voit bien qu’il ne l’a pas fait exprès. Qu’est-ce qu’Isaac, fils de Salomon peut bien connaître de la France, à part la scène de l‘ABC où il s’employait à abêtir un auditoire qui se pâmait à l’écoute ? Et il faut vraiment qu’on soit bien à court d’avocats chez vos patrons pour être tombé de Bénazet en Isaac et s’être résigné à accepter comme porte-parole un homme dont le pseudonyme fait un bruit de chute qui apparaît déjà comme un présage… » (Editoriaux de P. Henriot, fascicule n°12)

La réponse de Pierre Dac au micro de la BBC est cinglante et sans appel :

« Puisque vous avez si obligeamment cité au cours de votre laïus me concernant, les noms et prénoms de mon père et de ma mère, laissez-moi vous dire que vous en avez oublié un, celui de mon frère. Si d’aventure vos pas vous conduisent du côté du cimetière Montparnasse, entrez par la porte de la rue Froidevaux, tournez à gauche dans l’allée et à la sixième rangée, arrêtez-vous devant la dixième tombe. C’est là que reposent les restes de celui qui fut un beau, brave et joyeux garçon fauché par un obus allemand, le 8 octobre 1915, aux attaques de Champagne. C’était mon frère. Sur la modeste pierre tombale, sous ses noms et prénoms et le numéro de son régiment, on lit cette simple inscription  : Mort pour la France à l’âge de 28 ans. Voilà Monsieur Henriot, je le répète, ce que signifie pour moi la France. Sur votre tombe, si toutefois vous en avez une, il y aura aussi une inscription. Elle sera ainsi libellée : Philippe Henriot mort pour Hitler, fusillé par les Français. Bonne nuit, Monsieur Henriot. Et dormez bien… si vous le pouvez  ». (Cité par Hervé le Boterf, la vie parisienne sous l’occupation, tome II France-Empire, 1975)

La prophétie de Pierre Dac se réalisera moins de deux mois plus tard. Evidemment, on ne peut pas comprendre la violence de ces échanges radiophoniques si on oublie les crimes terribles d’Hitler et de ses complices, la Gestapo, les tortures, les déportations, les camps de concentrations, les chambres à gaz, ces crimes qui ont fait pendant toute la durée de la guerre presque 50 millions de morts sur toute la planète… Après la guerre, Pierre Dac reprend son activité d’humoriste. Son duo avec Francis Blanche remportera un véritable succès et sa popularité ne faiblira pas jusqu’à sa mort, le 9 février 1975.

A l’époque, la radio n’a que quelques dizaines d’années d’existence, pourtant ce média a déjà pris une importance considérable dans la vie des populations. Tout le monde, dans ces années là, colle son oreille au récepteur pour écouter les voix crachotantes et parasitées de la BBC ou celles tonitruantes et claires de Radio Paris. Les puissances financières et politiques convoitent déjà ce puissant moyen de communication pour influer sur les peuples et les  opinions publiques. Hitler et Goebbels ont su l’utiliser à leur profit pour compléter le dispositif qui a mis le peuple allemand à leur botte. Mais ce poids du média n’était qu’un début et il va se développer, surtout avec l’apparition de nouveaux moyens, jusqu’à aujourd’hui.

Marseille, le 28 juin 2017

Jacques Soncin