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UNE RICHESSE BIEN FRANCAISE

Dans la nuit du 20 au 21 septembre dernier s’éteignait Liliane Bettencourt, possédant la 11ème richesse du monde, estimée à 36 milliards de dollars, selon le classement du magazine américain Forbes, pour l’année 2017. Elle avait défrayé la chronique à partir de 2007 à cause de ses relations financières avec Eric Woerth et Nicolas Sarkozy. Tout ça n’était pas très propre.

ParcoursLilianeBettencourtMais la gestion de la fortune de son père Eugène Schueller et de la carrière de son mari André Bettencourt illustre bien ce que sont ces riches qui vivent sur la misère du monde.

En 1907, le jeune chimiste Eugène Schueller met au point une formule permettant de teindre les cheveux. Il lui donne pour nom une coiffure féminine en vogue à l’époque et qui évoque une auréole, « L’Auréale ». Pour accéder au marché de la grande consommation, il achète la Société des savons français, plus connu sous le nom de marque MONSAVON.

En 1936, ses affaires ont très bien marché et Schueller est déjà à la tête d’une petite fortune. Il investit dans la formation d’un groupe politique, initié par Jean Filiol, le « Comité secret d’action révolutionnaire » plus connu sous le surnom de la Cagoule et dont font partie André Bettencourt, François Mitterrand ou René Bousquet…

BettencourtMitterrand

Lorsqu’advient la divine surprise de l’extrême droite, l’occupation de la France par les nazis, Schueller, Filiol, Deloncle (frère d’Eugène), Bettencourt se jettent dans la collaboration. En 1942, Schueller, qui est devenu l’un des principaux actionnaires de Nestlé, envoie Bettencourt en Suisse pour « aryaniser » cette société.

André Bettencourt prend la direction d’une revue collaborationniste « La terre française ». Il y a une rubrique « Ohé les jeunes ». En 1942, il y publie un article intitulé « La dénonciation serait-elle un devoir ? » où il affirme que « les jeunes doivent être, dans chaque village, les agents du Maréchal, la police de la révolution ». Et plus tard, toujours dans le même torchon, il écrit « les juifs, pharisiens hypocrites, n’espèrent plus. Pour eux, l’affaire est terminée. Ils n’ont pas la foi. Ils ne portent pas en eux la possibilité d’un redressement. Pour l’éternité, leur race est souillée par le sang du juste ».

A partir de février 1943, après Stalingrad, comme tout le monde, il comprend que les nazis ont perdu. Il faut se refaire une virginité politique. Pour cela il s’appuie sur François Mitterrand qui a fraîchement quitté Vichy. Ensuite, il a prétendu être l’agent de liaison du Conseil national de la Résistance en Suisse, ce qui a été fortement contesté par Serge Klarsfeld. Mais malgré tout, après la guerre il arrive à passer à travers les gouttes de l’épuration et à éviter le glaive de la justice, il en sauve aussi son patron et futur beau-père, Eugène Schueller. Henri Deloncle crée une filiale de l’Oréal en Espagne et y embauche Jean Filiol, qui a fui la France où il est condamné à la peine capitale pour sa participation au crime atroce d’Oradour-sur-Glane. Malgré les demandes de la justice, il ne sera pas extradé par Franco. A la même période, François Mitterrand est choisi comme directeur général du magazine « Votre beauté », dédié à la promotion des produits L’Oréal…

En 1950, André Bettencourt épouse Liliane Schueller, fille d’Eugène, dont il aura une fille, Françoise.

Françoise se marie le 6 avril 1984 avec Jean-Pierre Meyers, lui-même petit-fils de l’ancien rabbin de Neuilly-sur-Seine, Robert Meyers, déporté avec son épouse à Auschwitz.

En 1994 le passé d’André Bettencourt le poursuit, son beau-fils le traite d’antisémite, des journaux évoquent son passé. Il est alors amené à exprimer ses regrets pour ce qu’il appelle des « erreurs de jeunesse »

Erreurs de jeunesse qui ne l’ont pas empêché d’être plusieurs fois ministre, d’obtenir la Rosette de la Résistance, la croix de guerre 39-45 et d’être décoré de la légion d’honneur.

LilianeBettencourtQuant à Liliane Bettencourt, qui n’a fait qu’hériter de la richesse de son père et de suivre les méandres politiques de son père et de son mari, elle s’est contentée de la Légion d’honneur et d’être la femme la plus riche du monde.

Jacques Soncin

16 ET 17 JUILLET 1942 : LA RAFLE DU VEL D’HIV ET LE SIEGE DE STALINGRAD

Le Président Macron, 75 ans après la rafle du Vel d’Hiv, a organisé une grande manifestation pour commémorer l’un des forfaits les plus ignobles de l’Etat français. Mais si ce crime est révélateur de ce que sont les classes dirigeantes de notre pays, il nous instruit aussi sur la manière dont on édulcore le processus qui a conduit à sa réalisation ainsi que sur l’impunité dont ont bénéficié ceux qui, à des titres divers, ont permis cette horreur.

En 1942 et depuis Montoire où Pétain s’était engagé dans une politique de collaboration avec les nazis, soutenue par l’essentiel de l’Etat français (Police, justice, administration, industrie et même clergé…), une grande partie de « l’élite » pense qu’Hitler peut gagner et attend qu’il « nous débarrasse du bolchévisme », c’est-à-dire, à cette époque, de l’Union Soviétique.

Montoire

La plupart des politiques et des hauts fonctionnaires sont dans une entreprise de séduction de l’occupant, il s’agit de lui montrer qu’on est loyal, qu’on en rajoute sur ses crimes et, parmi eux, il y a ceux qui partagent peu ou prou l’idéologie nazie et ceux qui veulent seulement conserver leur place ou en gagner une meilleure.

Et c’est ainsi que des gens comme René Bousquet, Jean Legay ou Victor Barthélémy (cet ancien communiste, proche de Doriot, à la tête de sa milice, a participé à la rafle en tant que supplétif de la police française. Plus tard, en 1973, il fondera le Front national avec JM Le Pen et il en sera le secrétaire général) vont mettre toute leur énergie pour contribuer à cette ignominie. René Bousquet, secrétaire général de la Police de Vichy, proposera même aux Allemands, qui lui demandaient d’arrêter tous les Juifs de plus de quinze ans, de baisser la barre à deux ans pour cette rafle du Vel d’Hiv. Il a aussi mis la police française à disposition pour diligenter les arrestations. Et la police française a réalisé ce sale boulot sans manifester beaucoup d’état d’âme.

Rappelons aussi que François Mitterrand, qui devient l’ami de Bousquet pendant la collaboration, est au service de Vichy où il travaille au Commissariat au reclassement des prisonniers de guerre. Mission qui lui vaudra, sous le parrainage de deux anciens de la Cagoule (groupe d’extrême droite, adepte des coups de force, actif à l’époque du front populaire), d’être décoré de la plus haute distinction de ce régime : la Francisque.

A la même époque, les Allemands avaient décidé de déclencher l’opération Barbarossa. Tous les réactionnaires du monde, y compris le Pape, souhaitaient qu’Hitler détruise l’URSS. Les Soviétiques, surpris par cette offensive, en contradiction avec le pacte germano-soviétique qu’ils avaient signé avec les nazis en 1939 sur le corps de la Pologne, se reprennent après une avancée fulgurante des troupes allemandes et de leurs alliés roumains, italiens, hongrois et croates. Le 17 juillet 1942, le jour de la rafle, l’armée allemande et ses alliés arrivent aux portes de Stalingrad. Et en quelques mois tout va s’inverser. Les Allemands sont confrontés à une résistance héroïque et désespérée qui les bloque dans la ville. Plus les semaines passent et plus leurs difficultés s’accroissent. L’hiver venant, la situation devient impossible et le 2 février 1943, après avoir perdu 400.000 soldats, les Allemands se rendent. 91.000 sont alors fait prisonniers par les soviétiques dont 2.500 officiers. Quant au Maréchal Friedrich Paulus, le plus haut gradé de la Wehrmacht, il a été le premier capturé, le 31 janvier, et il va très rapidement accepter de collaborer avec les  services de Staline. 800.000 soviétiques, dont de nombreux civils, ont laissé leur vie dans les combats de Stalingrad. La machine soviétique se met alors en marche vers l’Allemagne et plus rien ne va l’arrêter.

Ce jour-là tout le monde comprend qu’Hitler a perdu la guerre et la seule question encore en suspens c’est de savoir quelle armée, américaine ou soviétique, arrivera en premier à Berlin. A partir de février 1943 la résistance va se gonfler de tous les collabos opportunistes : Mitterrand et Bousquet en sont, chacun dans sa catégorie, de significatives illustrations. Les services rendus à la Résistance depuis  ce moment-là leur permettront d’assurer leur défense pour les lendemains de la libération.

Et, effectivement, de nombreux collabos, pourtant de premier plan, comme Bousquet, passeront au travers des mailles du filet de l’épuration parce qu’ils ont su très vite se mettre du bon côté, après avoir fait le même choix, quelques années plus tôt, au service de Pétain. Il faudra attendre des décennies pour que des comptes soient demandés à Touvier, à Papon (responsable de la déportation de centaines de Juifs, dont de nombreux enfants, sous Pétain, en tant que secrétaire général de la préfecture de Bordeaux et qui, 20 ans plus tard, préfet de Police de Paris, le 17 octobre 1961, organise le massacre d’une manifestation de travailleurs algériens dans la capitale) ou à Bousquet. Ce dernier a pu mener une lucrative carrière à la Banque d’Indochine. De ce poste, il a assuré le financement des campagnes présidentielles de Mitterrand en 1965 contre de Gaulle et en 1974 contre Giscard d’Estaing. Il a aussi pris la direction de la Dépêche du Midi en 1959.

Lorsque l’heure des comptes arrive, notamment après les révélations de Serge Klarsfeld, à la fin des années 1980, sur son rôle dans la rafle du Vel d’Hiv, son ami Mitterrand est alors président de la République. Il fait tout son possible, avec l’aide de son ministre de la justice, Georges Kiejman, pour éviter le procès, qui pourrait aussi l’éclabousser.

Et alors que la possibilité d’une action judiciaire se précise, le 8 juin 1993, il est assassiné par Christian Didier, présenté comme un déséquilibré. Et le dernier procès tenable concernant Bousquet sera celui de son assassin, condamné à dix ans de prison en 1995 et qui n’en fera que cinq…

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Quant à Mitterrand il passe pour la figure emblématique de la gauche après avoir milité dans sa jeunesse dans les rangs de la Cagoule, travaillé pour le régime de Vichy et avoir été décoré de la Francisque, avoir combattu le peuple algérien (« l’Algérie c’est la France, la seule négociation c’est la guerre »). Après son arrivée au pouvoir en 1981, il a écrit à la Haute autorité pour ouvrir les portes des grandes chaînes de télévision à JM Le Pen, ce qui permettra au Front de la haine (dont Victor Barthélémy était le secrétaire général quelques années plus tôt) de s’inscrire durablement dans le champ politique français. Président de la République, il a fait fleurir chaque année la tombe du Maréchal Pétain. Il a donné l’appui de la France à la première guerre contre l’Irak, qui a déstabilisé toute la région pour des décennies. Et il a fini sa présidence en apportant sa complicité aux génocidaires rwandais. Ce qui est clair, c’est qu’il est bien représentatif d’une certaine France, mais pas de celle qu’on aime le plus !

La France n’a jamais vraiment réglé la question du comportement de son appareil d’Etat dans cette période et la multiplication des commémorations, des déclarations grandiloquentes et des leçons d’histoire à géométrie variable ne constituent en réalité que la manifestation de ce profond malaise français.

Joyeuse, le 17 juillet 2017

Jacques Soncin