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France, Afrique, une histoire pavée de crimes…

Au début du XXème siècle, la France affirmait avec insolence et arrogance que le soleil ne se couchait jamais sur le drapeau français. Jolie manière pour dire que ses armées avaient occupé d’immenses territoires d’un bout à l’autre de la planète.

L’Afrique fut, il y a deux-cent mille ans, le berceau de notre humanité. Depuis 4 siècles, elle est envahie, pillée et muselée par les pays européens. De la mise en esclavage industriel, appelé commerce triangulaire, à la découpe du continent entre Néerlandais, Allemands, Anglais, Belges, Français, Portugais, Italiens et Espagnols, les Africaines et Africains ont subi l’avènement du monde moderne avec une violence inouïe, jusqu’aux décolonisations qui ne furent pas, exemptes de crimes, surtout dans le contexte de ce que l’on a appelé, « La Françafrique ».

En Europe, lors des années trente, on a assisté à des bouleversements politiques et sociaux et au développement d’une puissance criminelle en Allemagne : le parti nazi. Devant la volonté des voyous à la croix gammée de dominer le monde, la France et ses alliés entrent en guerre. En juin 1940, les forces de la Wehrmacht envahissent la France, les nazis défilent sur les Champs Elysées, l’extrême droite française se réjouit de cette « divine surprise ». Pétain prend la direction du pays et entame la collaboration avec Hitler. Mais, répondant à l’appel du 18 juin, se lève une autre France. Le Comité de libération nationale souhaite mobiliser l’ensemble de l’empire pour la libération du pays. Et, sans la contribution essentielle de l’Afrique et de ses populations, la France n’aurait jamais pu s’asseoir à la table des vainqueurs.

Issu de la lutte antinazie, composé notamment de John Petters Humphrey et René Cassin et présidé par Eleonor Roosevelt, un comité propose aux Nations unies une « Déclaration universelle des droits de l’Homme ». Ce document est adopté le 10 décembre 1948 par l’Assemblée générale de l’Organisation des nations unies (ONU), réunie au Palais Chaillot à Paris. C’est la première fois qu’un texte à vocation universelle reconnaît des droits inhérents à la personne humaine, quel que soit son origine, son genre, son lieu de vie et son niveau social : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité » (art.1).

Les idéaux portés par la résistance ont contaminé les territoires sous domination française.

Pourtant, cet esprit de fraternité a rapidement été mis à l’épreuve. Pendant que les autorités militaires allemandes signaient leur capitulation à Berlin face aux alliés, dont la France, des Algériens se réunissent à Sétif, le 8 mai 1945, pour fêter l’effondrement des nazis. Des drapeaux algériens et des pancartes réclamant l’indépendance sont brandis par la foule. Un policier tire et tue celui qui portait le drapeau. La foule manifeste sa colère, des Français sont frappés. L’armée intervient et des massacres sont commis. Les soldats ratissent la région du Constantinois et de la Kabylie orientale.

L’armée assassine à Sétif, Annaba-Bône, à Melbou et Béjaïa, à Constantine, Guelma et Kherrata. La répression impitoyable aboutit à plusieurs dizaines de milliers de morts. La responsabilité de ce massacre est portée par le premier gouvernement de la libération, composé de toutes les tendances de la Résistance, sous la présidence du Général de Gaulle, de Charles Tillon (communiste) à Pierre Mendes-France, de François Billoux à René Pléven.

En 1947, c’est face au soulèvement malgache que l’armée s’est dressée avec une violence criminelle inouïe. On parle de près de 100.000 morts sur l’île de Madagascar ! Aujourd’hui encore, cette insurrection et les crimes qui l’ont écrasée sont commémorés par un jour de deuil national, chaque 29 mars.

La France ne tiendra pas les promesses de la résistance aux peuples colonisés. Dès le début des années 1950 elle développe sa guerre contre les forces indépendantistes en Indochine, jusqu’à Diên Biên Phu, le 7 mai 1954, où l’armée française subit une cuisante défaite et aux accords de Genève en juillet 1954.

Après cette date, les USA prennent la succession de la lutte contre les peuples d’Indochine. Le 1er novembre 1954, c’est la Toussaint rouge en Algérie. La lutte de libération dure sept ans, les gouvernements successifs mobilisent même le contingent. Ce sera une sale guerre, avec tortures, viols et tueries de masse. Le gouvernement algérien évoque un million de morts.

Pour tenter de stériliser les luttes d’indépendance, la France concocte un projet d’Union française sous les auspices de laquelle des indépendances sont octroyées aux pays sous domination coloniale. Elle impose un système monétaire, avec le franc CFA (franc des Colonies françaises d’Afrique devenu aujourd’hui le franc de la Communauté financière africaine) et des hommes qui lui sont favorables à la tête des Etats. Sékou Touré, de la Guinée Conakry, qui refuse se système se verra imposer des mesures très agressives contre l’économie de son pays. Modibo Keïta qui veut lui aussi donner une autre direction à la politique du Mali sera destitué et arrêté par Moussa Traoré avec le soutien de la France.

Au Cameroun, il existe un fort mouvement indépendantiste organisé dans l’Union des populations du Cameroun (UPC). A l’indépendance, Jacques Foccart, de sinistre mémoire, installe un gouvernement fantoche présidé par Ahmadou Ahidjo. A partir de ce moment, en finir avec l’UPC devient la priorité de la France et de sa marionnette. De véritables massacres en seront la sinistre conséquence.

Mongo Béti, auteur du livre, interdit en France sous Pompidou : « Main basse sur le Cameroun »

Le gouvernement de Charles de Gaulle envoie cinq bataillons d’infanteries commandés par le général Max Briand, vétéran des guerres d’Indochine et d’Algérie, surnommé « le Viking », ainsi qu’un escadron d’hélicoptères et de chasseurs bombardiers. Ce sont les Bamilikés qui paieront la plus grosse note de cette guerre avec près de cent mille morts.

Aux Comores, après le référendum d’indépendance, un gouvernement est mis en place le 3 août 1975. Ali Soilihi Mtsachiya devient le chef d’Etat le 3 janvier 1976. Il tente une politique progressiste et différente de celle voulue par la France. Le Barbouze français, Bob Dénard, le renverse pour le remplacer par Ahmed Abdallah. Ali Soilihi est assassiné le 29 mai 1978. L’utilisation par la France d’une organisation clandestine et criminelle comme la « Main rouge » ou de barbouzes comme Bob Dénard ou le Capitaine Barril est une pratique courante. On retrouvera d’ailleurs Bob Dénard et le Capitaine Barril au Rwanda, au service du gouvernement français, aux côtés des génocidaires, en 1994.

La méthode de la France est toujours à l’œuvre, comme on l’a vu au Burkina Faso, où le Chef de l’Etat, Thomas Sankara, mettant en place une politique dont ne voulait pas la France a été assassiné le 15 octobre 1987 à Ouagadougou.

Son armée est partout et intervient à volonté de la Libye à la Côte d’ivoire en passant par les Congo. Elle impose ou tente d’imposer ses hommes de pailles à la tête des Etats. On a pu le constater lors des dernières élections au Gabon qui ont donné la majorité à Jean Ping et c’est Ali Bongo Ondimba (fils et successeur d’Omar Bongo) qui est resté à la tête du pays avec l’aval de la France.

Pour en finir avec cette politique et ces méthodes il faut la vérité et la justice, c’est indispensable pour permettre aux peuples de renouer des rapports tenant compte de l’histoire et préparant l’avenir.

Notre humanité est actuellement confrontée à des échéances qui pourraient remettre en cause sa pérennité. Il faut une gouvernance mondiale, des mesures fortes et universelles. Pour que cela soit possible, nos peuples doivent trouver la voie de la collaboration fraternelle, c’est l’enjeu de la confrontation avec la vérité et du choix de la justice.

« Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots. » (Martin Luther-King)

Marseille, le 28 janvier 2019

Jacques Soncin

 

Information – Réunion à Marseille, au MUCEM

Le 31 janvier 2019, de 18h à minuit, « Marseille en commun » organise avec le Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem), dans le cadre de la nuit des idées, une soirée sur le thème : Résistances africaines / Mémoire partagée et vivante des libérations – Sortir de l’oubli.

FELIX EBOUE : Ce que la résistance Française doit à l’Afrique

Félix Eboué est un descendant d’esclaves, né en Guyane française, en 1884. Excellent élève, Félix obtint une bourse pour poursuivre ses études secondaires à Bordeaux, au lycée Montaigne, puis à Paris, à la faculté de droit et à l’École coloniale. Il sort de son cursus bardé de diplômes. En 1910, il est nommé administrateur des colonies à Madagascar, puis en Oubangui-Chari (actuelle République centrafricaine), où il se fait apprécier pour son humanisme, sa volonté de se rapprocher de la population et de s’imprégner des coutumes locales.

Secrétaire général de la Martinique, il devient gouverneur de la Guadeloupe en 1936. La nomination d’un Afro-descendant à un tel poste était une première.

En 1938, il est nommé gouverneur du Tchad. Il travaille à l’équipement en faisant construire des routes, qui serviront aux généraux des régiments africains à remonter vers le Nord.

Lors de la défaite de juin 1940, deux orientations s’affrontent : Montoire et l’appel du 18 juin. Soit on reconnaît la légitimité de Pétain et la légalité de l’armistice signée à Montoire, soit on affirme que la France, avec de Gaulle, reste en guerre et que la seule légitimité c’est la France libre. Dans le premier cas, lors de l’effondrement du Reich, la France fera partie des vaincus, dans le deuxième cas elle sera aux côtés des vainqueurs. C’est tout le sens du combat de la France libre. Les alliés, britanniques et américains, désireux d’affaiblir la position du général de Gaulle, n’hésiteront pas à soutenir contre lui, des pétainistes notoires ou honteux comme l’amiral Darlan ou le général Henri Giraud ou à le contraindre à « cohabiter » avec eux. Il fallait donc une légitimité incontestable à la France Libre pour avoir la force de se débarrasser de ces scories.

Dès le 18 juin 1940, Félix Eboué, administrateur du Tchad, soutient l’appel de Charles de Gaulle et l’invite à Fort Lamy (actuel Ndjamena). Ensemble, ils gagnent le soutien des administrateurs de l’actuelle Centrafrique et celui du Cameroun. Celui du Congo, pétainiste, est arrêté et remplacé par un fidèle. L’essentiel de l’Afrique équatoriale française est alors contrôlé par la France libre.

Le 27 octobre 1940, en réaction à la rencontre de Montoire, le général Charles de Gaulle lance un Manifeste de Brazzaville, capitale de l’Afrique Équatoriale Française (AEF). Il y affirme ainsi son autorité et annonce la constitution d’un Conseil de Défense de l’Empire.

Y figurent les principales personnalités qui l’ont déjà rejoint dont le général Larminat, le gouverneur Félix Éboué, le colonel Leclerc de Hauteclocque ou le professeur René Cassin.

Le 29 janvier 1941, Félix Eboué figure parmi les cinq premières personnes à recevoir du général de Gaulle la croix de l’ordre de la Libération.

Le 11 août 1941, le chef de la France libre le nomme secrétaire général de l’Afrique équatoriale française.

Félix Eboué transforme alors l’AEF en une véritable plaque tournante géostratégique d’où partent les premières forces armées de la France libre, conduites par les généraux de Larminat, Kœnig et Leclerc. Résidant à Brazzaville, il organise une armée de 40 000 hommes et accélère la production de guerre en appliquant enfin la « politique indigène » qu’il a eu le temps de mûrir au cours de sa longue carrière.

Par son action, il met sous l’autorité de la France libre un territoire grand comme cinq fois la France et une armée conséquente.

 Lors de la conférence de Brazzaville, organisée durant la Seconde Guerre mondiale, du 30 janvier au 8 février 1944, par le Comité français de la libération nationale (CFLN), a été décidé le rôle et l’avenir de l’empire colonial français. A l’issue de cette conférence, l’abolition du code de l’indigénat, demandée par Félix Eboué, est décidée.

Par son action, Félix Eboué a incontestablement permis à la France d’être assise, le 8 mai 1945, dans le camp des vainqueurs. Rajoutons que ses quatre enfants, 3 fils et une fille, ont rejoint la résistance et combattu le régime hitlérien. Mort en mai 1944 en Egypte, quelques jours avant le débarquement de Normandie, il n’a pas pu assister à cette défaite du régime nazi à laquelle il a contribué.

La France, par la loi du 28 septembre 1948 ordonna que soient inhumés au Panthéon les restes du premier résistant de la France d’Outre-Mer. La dépouille mortelle de Félix Éboué fut débarquée le 2 mai 1949 à Marseille et il est entré au Panthéon, en compagnie de Victor Schœlcher, le vendredi 20 mai 1949.

Il est le seul afro-descendant, le seul Noir, à être inhumé au Panthéon.

Récemment, à l’occasion de l’entrée de Simone Veil au Panthéon, j’ai regardé 4 émissions sur quatre chaînes différentes sur les hôtes illustres, dont quelques beaux salopards, de ce lieu funéraire. Aucune n’a cité Félix Eboué. Le rôle de Félix Eboué n’est mis en lumière ni dans les enseignements scolaires ni dans les émissions, nombreuses sur la deuxième guerre mondiale, réalisées par les grands médias, publics et privés.

Les années qui ont suivi la libération de notre pays furent marquées par l’oubli de la dette due à l’Afrique : massacre à Madagascar, écrasement sanglant de la révolte au Cameroun, tuerie à Sétif, en Algérie. Les indépendances qui devaient fonder de nouveaux rapports, ne furent qu’un simulacre pour la mise en place d’une France Afrique soumise aux intérêts de la métropole et à la moulinette du Franc CFA, toujours en vigueur. Les tentatives de développement alternatif se soldèrent par des répressions impitoyables, de l’embargo imposé à la Guinée pour punir Sékou Touré d’avoir dit Non à la communauté française à l’arrestation de Modibo Keïta au Mali, de la participation à l’assassinat de Patrice Lumumba au Congo à celui d’Ali Soilihi M’tsashiwa aux Comores, jusqu’à l’exécution de Thomas Sankara au Burkina Faso. Bien sûr, il faut citer aussi la guerre d’Indochine et celle d’Algérie où des peuples ont imposé par la Force ce qu’on aurait dû leur restituer par le droit. C’est aussi dans ce contexte qu’il faut placer la complicité de la France avec le génocide au Rwanda et les crimes terribles qui l’ont suivi dans l’Est de la République Démocratique du Congo.

Les événements récents, la Méditerranée devenue un cimetière pour les migrants ayant quitté l’Afrique, la Coupe du monde où, encore une fois, la France doit sa victoire à des enfants d’Afrique, nous montrent que le malaise réside dans l’oubli systématique de l’histoire des relations entre nos deux continents. Les jeunes Français, comme les jeunes Africains, ont besoin de cette éducation, de cette vérité, qui seule pourra nous apporter des rapports apaisés et égalitaires sur le plan culturel, économique et politique. Et c’est le seul avenir positif envisageable pour la France.

Si elle oublie ce qu’elle doit à l’Afrique, la France, ramenée à ses petites dimensions hexagonales, se perdra écrasée par les jeux complexes des rapports de force mondiaux.

 Jacques Soncin

Le 26 juillet 2018

 Quelques documents sur mon blog pouvant compléter le présent article

 1 – La rafle du vel d’hiv et la bataille de Stalingrad

https://jacquessoncin.wordpress.com/2017/07/16/16-et-17-juillet-1942-la-rafle-du-vel-dhiv-et-le-siege-de-stalingrad/

 2 – Comment des richesses de premier plan ont pu naviguer d’un camp à l’autre en fonction des victoires…

https://jacquessoncin.wordpress.com/2017/09/25/une-richesse-bien-francaise/

 3 – Le génocide au Rwanda et la complicité de la France

https://jacquessoncin.wordpress.com/2014/04/07/le-genocide-des-tutsis-au-rwanda/

LA GUERRE DES ONDES

Le 28 juin 1944, après plusieurs jours de planques et de repérages, un commando dirigé par Morlot s’engouffre vers 6h du matin dans le n°10 de la rue de Solférino à Paris. Morlot et l’un de ses camarades pénètrent brutalement dans la chambre ou dort un couple. Réveillée, la femme hurle, l’homme panique. Les coups de feu claquent, il est touché. Morlot s’avance et lui inflige le coup de grâce. Ainsi est mort Philippe Henriot, secrétaire d’Etat à l’information et à la propagande du gouvernement Laval, sous Pétain. Après cette action, les miliciens se déchaînent pour retrouver les responsables : arrestations, tortures, représailles. Mais ils ne remonteront jamais jusqu’à Morlot.

Qui est Morlot ?

Morlot est le pseudonyme de Charles Gonard, un résistant intrépide et courageux. Quelques jours avant l’exécution d’Henriot, il a organisé l’évasion de Jean-Pierre Lévy, responsable du mouvement Franc-tireur, un des chefs de file du Conseil national de la résistance. Dès 1941, après la débâcle, dégoûté par le pétainisme, après avoir essayé en vain de rejoindre Londres, Charles Gonard, qui n’a pas encore vingt ans, s’engage contre l’occupant. Envoyé dans le sud de la France, il multiplie les actions contre les Allemands et leurs collabos à Marseille et Nice : sabotages, exécutions de traîtres, attaques contre la milice. En février 1944, il intègre à Paris le Comité d’action militaire (COMAC) et à seulement 23 ans, il forme les groupes francs des FFI et il réorganise la structure du réseau malmené par la répression. Son groupe composé professionnellement d’experts et de praticiens de la clandestinité, détruit les fichiers du STO et liquide des membres français de la Gestapo (Geheime Staatspolizei). Une fois la France libérée, Charles Gonard a mené une vie « normale », il a dirigé la compagnie chérifienne des textiles au Maroc et il a élevé plusieurs enfants… Il s’est éteint le 12 juin 2016 à Vence, dans les Alpes Maritimes, à l’âge de 95 ans.

Philippe Henriot

Philippe Henriot, né en 1889, est issu d’une famille catholique, de droite et antisémite. Il fait ses études à l’Institut catholique de Paris. Il est nommé professeur de lettres dans le privé. Par la suite il prend la direction du journal de l’Action catholique à Bordeaux. Il entamera une carrière d’activiste politique d’extrême-droite en participant aux manifestations des Croix de feu, qui ont menacé la République. Dans l’entre-deux-guerres, Henriot est germanophobe et belliqueux envers l’Allemagne. Mais l’arrivée d’Hitler au pouvoir le radoucit et il devient partisan de l’entente avec l’Allemagne. Au moment de la débâcle, il est député. Dès 1940, le défilé de troupes nazies à Paris, pour lui, comme pour le reste de l’extrême-droite, constitue une « divine surprise ». Il se rallie à Pétain. Très rapidement, il devient la voix du régime de Vichy. Deux fois par jour, sur Radio Vichy ou sur Radio Paris, il vitupère contre la résistance, la France-libre, le Général de Gaulle, les communistes. On l’entend partout en France sur les ondes de Radio Paris. La Radio de la résistance, au micro de la BBC, lui répond et une espèce de guerre des ondes s’instaure ainsi pendant cette période.

Pierre DAC

André Isaac, alias Pierre Dac, est un humoriste, né en 1893. Il s’engage dès le début dans la résistance. Sa chaleur, son intelligence et son humour feront des ravages sur la Radio de la Résistance. C’est lui qui a mis au point la ritournelle : « Radio Paris ment, Radio Paris ment, Radio Paris est allemand« , que tout le monde connaît et parfois fredonne à cette époque. Un échange entre les deux hommes donne une idée de ce qu’était le versant radiophonique de la guerre impitoyable entre collabos et résistants.

Tout commence lorsque Pierre Dac, avec sa causticité imparable, raille un discours de Philippe Henriot depuis l’antenne londonienne. Ce dernier réplique ainsi, le 10 mai 1944, au micro de Radio Paris :

« Assurément, personne n’est obligé de se rendre à mes arguments et tout le monde a le droit d’ironiser sur ce que je dis (…) Mais où nous atteignons les cimes du comique, c’est quand notre Dac prend la défense de la France. Vraiment les loufoqueries de l’Os à moelle ne m’ont pas toujours fait rire, mais le juif Dac s’attendrissant sur la France, c’est d’une si énorme cocasserie qu’on voit bien qu’il ne l’a pas fait exprès. Qu’est-ce qu’Isaac, fils de Salomon peut bien connaître de la France, à part la scène de l‘ABC où il s’employait à abêtir un auditoire qui se pâmait à l’écoute ? Et il faut vraiment qu’on soit bien à court d’avocats chez vos patrons pour être tombé de Bénazet en Isaac et s’être résigné à accepter comme porte-parole un homme dont le pseudonyme fait un bruit de chute qui apparaît déjà comme un présage… » (Editoriaux de P. Henriot, fascicule n°12)

La réponse de Pierre Dac au micro de la BBC est cinglante et sans appel :

« Puisque vous avez si obligeamment cité au cours de votre laïus me concernant, les noms et prénoms de mon père et de ma mère, laissez-moi vous dire que vous en avez oublié un, celui de mon frère. Si d’aventure vos pas vous conduisent du côté du cimetière Montparnasse, entrez par la porte de la rue Froidevaux, tournez à gauche dans l’allée et à la sixième rangée, arrêtez-vous devant la dixième tombe. C’est là que reposent les restes de celui qui fut un beau, brave et joyeux garçon fauché par un obus allemand, le 8 octobre 1915, aux attaques de Champagne. C’était mon frère. Sur la modeste pierre tombale, sous ses noms et prénoms et le numéro de son régiment, on lit cette simple inscription  : Mort pour la France à l’âge de 28 ans. Voilà Monsieur Henriot, je le répète, ce que signifie pour moi la France. Sur votre tombe, si toutefois vous en avez une, il y aura aussi une inscription. Elle sera ainsi libellée : Philippe Henriot mort pour Hitler, fusillé par les Français. Bonne nuit, Monsieur Henriot. Et dormez bien… si vous le pouvez  ». (Cité par Hervé le Boterf, la vie parisienne sous l’occupation, tome II France-Empire, 1975)

La prophétie de Pierre Dac se réalisera moins de deux mois plus tard. Evidemment, on ne peut pas comprendre la violence de ces échanges radiophoniques si on oublie les crimes terribles d’Hitler et de ses complices, la Gestapo, les tortures, les déportations, les camps de concentrations, les chambres à gaz, ces crimes qui ont fait pendant toute la durée de la guerre presque 50 millions de morts sur toute la planète… Après la guerre, Pierre Dac reprend son activité d’humoriste. Son duo avec Francis Blanche remportera un véritable succès et sa popularité ne faiblira pas jusqu’à sa mort, le 9 février 1975.

A l’époque, la radio n’a que quelques dizaines d’années d’existence, pourtant ce média a déjà pris une importance considérable dans la vie des populations. Tout le monde, dans ces années là, colle son oreille au récepteur pour écouter les voix crachotantes et parasitées de la BBC ou celles tonitruantes et claires de Radio Paris. Les puissances financières et politiques convoitent déjà ce puissant moyen de communication pour influer sur les peuples et les  opinions publiques. Hitler et Goebbels ont su l’utiliser à leur profit pour compléter le dispositif qui a mis le peuple allemand à leur botte. Mais ce poids du média n’était qu’un début et il va se développer, surtout avec l’apparition de nouveaux moyens, jusqu’à aujourd’hui.

Marseille, le 28 juin 2017

Jacques Soncin

Philippot gaulliste ? Menteur ou crétin ?

Ce matin, lundi 6 avril 2015, invité sur ITV, le vice-président du Front National, Florian Philippot, assène à Bruce Toussaint qu’il est gaulliste. Est-il un menteur ? Un crétin ? Jugez vous-même.

Charles de Gaulle baignait, avant la guerre, dans les milieux proches de l’Action française, organisation royaliste se situant dans les mouvances de l’extrême-droite. Son bilan politique s’enracine sur deux choix fondamentaux qui ont à l’évidence marqué son existence et surtout l’image qu’en a gardée de lui la postérité, et notamment les Françaises et les Français :

1°/ La résistance à l’occupation nazie et le refus de la collaboration

En juin 1940, alors que la classe politique française, tétanisée par la défaite et l’avancée allemande occupant la France, se ralliait peu ou prou à la politique de collaboration avec les nazis, prônée par l’extrême-droite française, et choisissait de placer Philippe Pétain à la tête du pays, Charles de Gaulle, réfugié à Londres, appelait les Françaises et les Français à la résistance et commençait à mettre en place les réseaux combattants qui allaient permettre, quatre ans plus tard, à la France de faire bonne figure dans la victoire contre la barbarie nazie. Dans cette dynamique, De Gaulle, qui voulait rassembler toutes les branches de la résistance (communistes, socialistes et gaullistes), avait rompu totalement avec Charles Maurras, patron de l’Action française, passé à la collaboration la plus honteuse. Pour l’extrême droite et les collabos convaincus, l’occupation nazie fut qualifiée de « divine surprise » et ce fut pour eux l’occasion de tenter d’appliquer leur programme de haine de stigmatisation de racisme et de terreur contre la population. Et c’est avec plusieurs rescapés de cette aventure criminelle que Jean-Marie Le Pen a créé le Front national en 1973. Rappelons que le Jeune Jean-Marie Le Pen, alors étudiant en droit à la toute fin des années 1940, militait contre l’épuration qui consistait à éliminer des administrations ceux qui avaient trop collaboré avec l’ennemi.

2°/ la signature des accords d’Evian

Autre marque du Gaullisme, la décolonisation et notamment la décision de signer la paix avec les combattants algériens et de permettre l’indépendance de ce pays. L’extrême-droite, soutenant les colons les plus obtus, a toujours lutté contre toute avancée du statut de ce qu’on appelait à l’époque « les indigènes », refusant les réformes proposés par Ferhat Abbas, préconisant l’égalité républicaine entre tous les citoyens de l’Algérie. Cette inflexibilité a provoqué la révolte algérienne, débutant par la toussaint rouge, le 1er novembre 1954, s’achevant par la signature des accords d’Evian le 18 mars 1962 et le cessez-le-feu le 19 mars 1962. Pour tenter de bloquer ce processus, l’extrême droite crée l’Organisation de l’armée secrète (OAS) et se lance alors dans le terrorisme. Et c’est le putsch des généraux, le 21 avril 1961, ce que de Gaulle appelle « Un quarteron de généraux à la retraite », qui échoue lamentablement. Puis, ce sont des bombes et des crimes qui se multiplient, notamment la tentative presque réussie d’assassinat du général de Gaulle, le 21 août 1962. Le lieutenant-colonel Bastien Thiry, figure mythique de l’extrême-droite et du FN, jusqu’à aujourd’hui, organisateur de cet attentat, est arrêté, jugé, condamné à mort et exécuté le 11 mars 1963. De Gaulle ayant refusé sa grâce. Les anciens de l’Oas étaient nombreux à la fondation du FN, qui n’a jamais condamné cette organisation terroriste et qui continue à rendre hommage aux criminels les plus emblématiques. Récemment encore, à Béziers, le maire FN de la ville a fait débaptiser la rue du « 19 mars 1962 », pour lui donner le nom d’un activiste de l’OAS, condamné et emprisonné dans les années où de Gaulle était au pouvoir…

Alors, comment peut-on, sans mentir, sans se payer la tête des Françaises et des Français, être vice-président du FN et se dire gaulliste ?